« La lumière est à l’origine de tout. Depuis plus de 12 ans, je vois ce phénomène envahir mon atelier. C’est un émerveillement dont je ne me lasse pas » (Stefan Vanfleteren).
« Le temps est prolongé par ce qu’il s’est arrêté à des moments choisis avec attention. C’est le pouvoir de la photographie, où la lumière façonne le monde en une nouvelle réalité mentale » (Stefan Vanfleteren).
« La photographie et la mort vont de pair. Dès que l’on commence à prendre des photos, lorsque l’on capture le sujet dans le cadre, il devient le passé. C’est quelque chose qui n’existe plus. Être présent dans l’intimité de la mort, c’est un grand privilège » (Stefan Vanfleteren).
© Stephan Vanfleteren
Pour tout amateur de photographies, la visite d’ « Atelier ». une exposition, sur deux étages, accessible jusqu’au samedi 21 décembre, s’impose, à Ixelles, à la « Hangar Gallery », sise sur la place du Chatelain.
L’ « Atelier », c’est Stefan Vanfleteren (°Kortrijk/1969), c’est son inspiration, son regard, son talent, son émotion, …, lui qui fut fait « Docteur Honoris Causa », à Bruxelles, en 2021, à la « VUB » (« Vrije Universiteit Brussel »), ayant étudié la photographie à l’ « Institut Saint-Luc », à Saint-Gilles, de 1988 à 1992, ayant travaillé, de 1993 à 2009, comme photographe free-lance pour « De Morgen », tout en s’investissant pleinement dans ses propres projets. Spécialiste des portraits en noir et blanc, il est également connu pour les reportages au long cours, qu’il effectue en Belgique et à l’étranger.
© Stephan Vanfleteren
« Dans un portrait, il y a une énergie fluide de question et de réponse, d’action et de réaction, de circulation dans les deux sens. Photographier un objet pose une question à laquelle vous devez répondre par vous-même. Vous vous déplacés et l’objet ne remarque même pas votre présence. C’est comme un dialogue de sourds devant un miroir », écrit-il.
Nous ayant présenté, en 2015, une étonnante exposition, intitulée, simplement, « Charleroi », au « Musée de la Photographie », à Mont-sur-Marchienne, il travaille, actuellement, essentiellement, pour des journaux et des magazines étrangers. Cofondateur & directeur artistique des Éditions « Kannibaal/Hannibal », Stephan Vanfleteren est, également, depuis 2010, professeur invité de l’ « Académie royale des Beaux-Arts », à Gent.
« Manolis Glezos, partisan grec » © Stephan Vanfleteren
Sont exposées au « Hangar », une sélection des photographies que Stephan Vanfleteren réalisa, au cours des douze dernières années, alors qu’il travaillait intensivement chez lui, dans un studio éclairé par la lumière du jour.
La lumière étant au centre de son intérêt, voici qu’il écrit la concernant : « La lumière est à la fois mon adversaire et mon partenaire. Elle est, pour moi, une partition. »
« La lumière rend l’inspiration et les sensations différentes à chaque fois. Les choses restent les même mais la lumière les transforme. L’oiseau dans la lumière du matin n’est pas le même oiseau dans la lumière du soir. Rien ne reste inchangé lorsque la lumière tourne et vacille. »
« J’appelle aussi la lumière naturelle de mon atelier ‘vieille lumière’, car contrairement à la lumière artificielle du flash, qui se trouve à quelques mètres du sujet, la lumière vient du soleil et est en route depuis 500 secondes . En raison de la réfraction et de la courbure de son trajet, la lumière arrive dans mon atelier ‘fatiguée’. Ce que vous voyez est la fin d’un voyage qui a commencé à 150 millions de kilomètres et qui atterrit à mes pieds, sur le sol de mon atelier, à une vitesse de près de trois cent mille kilomètres par seconde. »
« Le temps est prolongé par ce qu’il s’est arrêté à des moments choisis avec attention. C’est le pouvoir de la photographie, où la lumière façonne le monde en une nouvelle réalité mentale. »
« En général les ateliers d’artistes sont exposés au Nord, afin de bénéficier d’une lumière constante, qu’elle que soit l’heure du jour. Le mien est exposé au Sud. Je ne l’ai pas choisi pour cela. C’était comme ça … De cette frustration et contrainte, j’ai fait une force. La lumière mouvante est devenue complice de mon travail de photographe. »
Pour la « RTBF », l’un de nos confrères, Pascal Goffaux, écrit : « Stephan Vanfleteren photographie le corps raidi d’un oiseau. Le sang de l’agneau coule sur une table sacrificielle. Les photos traitent de la vie et de la mort et les images convoquent les visions des maîtres anciens. Le clair-obscur, Vanfleteren en fait usage, et il convie Rembrandt ou Zurbaran dans l’atelier, quand la lumière invisible, fatiguée après un long voyage de 8 minutes 20, se repose sur toute chose et que les êtres et les objets réfléchissent ses rayons. »
© Stephan Vanfleteren
« Il sculpte comme une glaise les corps nus, blancs ou noirs. Il photographie la peau comme un paysage, les rides d’un visage ou d’une main, comme des rivières traversant un territoire. La surface des corps et des choses devient profondeur dans le regard, qui se pose sur les modèles. ‘Ce qu’il y a de plus profond en l’homme , c’est la peau’ , dixit Paul Valéry. »
© Stephan Vanfleteren
En novembre 2023, Stephan Vanfleteren a rassemblé, au sein d’un luxueux ouvrage (Ed. « Hannibal »/cartonné/1,6 kg/ 69€95) nombre de ses photographies, dont celles exposées à la « Hangar Gallery », qui, toutes, portent les caractéristiques de son esthétisme : obsession de la lumière, recherche de « l’instant magique », thématique de la vie et de la mort & profondeur des niveaux de gris.
« Le gris est de l’argenterie, enfouie dans la poussière », écrit-il, poursuivant : « Le gris a mauvaise réputation . ‘Faire grise mine’ signifie être contrarié : ‘la zone grise’ est la limite de l’illégal ; ‘le ciel gris’ est un temps pluvieux. Le gris est vieux, banal, douteux, sans émotion, indistinct ou monotone. Mais le gris, c’est aussi la sagesse, la connexion, la subtilité, la modestie, la distinction. Nous avons besoin de plus de gris dans ce monde polarisé. il ne crie pas sa propre justesse, c’est un canot de sauvetage dans un océan de nuances où il y a de la place pour un débat alimenté par la matière grise de nos cerveaux. »
« Ce qui relie les photos, ici, ce sont les grands pans de tissus gris comme toile de fond. Sur chaque photo, l’arrière plan est l’une de mes nombreuses tentures de tailles, textures et nuances différentes. La lumière changeante, en termes d’éclat, de température ou de couleur, s’accroche merveilleusement à ces toiles, comme aux pores d’un vieil homme. Une partie de la lumière y est absorbée et n’en revient jamais. »
Evoquant ses photographies, un éditorialiste des Editions « Hannibal » écrit :« Les rideaux de théâtre gris y sont omniprésents, en toile de fond. Le photographe immortalise tant des personnalités connues que des anonymes. Il s’intéresse aux rides sur le visage d’un vieux pêcheur et examine la main de Nick Cave avec la même attention qu’une bouteille échouée sur la plage. »
« Vanfleteren se rattache à la tradition de maîtres anciens mais reste fidèle au style qui a toujours fait sa particularité. Son savoir-faire technique et son cœur d’artiste font de nous les témoins et les complices de la lumière incidente. »
« Ce livre montre que Vanfleteren a intériorisé cette lumière particulière à tel point qu’il peut la faire apparaître sans l’aide de lampes ou du soleil » (Ilja Leonard Pfeijffer).
« C’est la narration de ce superbe livre qui a guidé la scénographie qui nous est proposée au ‘Hangar’, « laquelle balaie subtilement des sujets qui sont autant d’états de vie : enfant, adulte, vie et mort … On passe de l’un à l’autre, à un rythme qui nous est donné par l’écriture de Stephan Vanfleteren. C’est lui le metteur en scène, comme dans son atelier. Avec sobriété, il nous emmène dans son univers, dont il maitrise parfaitement les rouages. En effet, Stephan Vanfleteren est aujourd’hui un photographe parfaitement maître de son art« , écrit Delphine Dumont, pour la « Hangar Gallery ».
« Arno » © Stephan Vanfleteren
Autres citations de Stephan Vanfleteren :
« Des personnes, des animaux et des objets se sont trouvés devant mon objectif. J’observais leur plumage, j’admirais les formes gracieuses des corps nus, je disparaissais au fond des orbites, je plongeais dans des paumes de mains ouvertes et restais enchanté par la surface des choses et la profondeur des êtres humains. Cette délicieuse collision entre la lumière incidente et mon modèle fait de moi un complice et un témoin du fait que les aspects intérieur et extérieur du sujet se reflètent tous deux dans ma tête. »
« Il n’y a rien de plus beau que le temps qui raye, ternit, abîme les choses et les rend plus belle à force d’usure ou de détérioration. Depuis des siècles, c’est la matière première de notre imagination. »
« Quand je pense à tout ce qui a déjà été posé sur ma table grise : des ailes déployées d’oiseaux morts, un agneau étouffé, des coudes d’artistes, mon quadrupède bien aimé, d’élégantes majorettes, des bouteilles de boissons boursouflées, des visages tourmentés, mes propres enfants en pleine croissance, des feuilles d’automne desséchées, des dos nus, … Tout un monde a visité mon atelier. »
« L’importance du vide entre le sujet et l’arrière plan ne peut être sous-estimée. De temps en temps, ils se croisent. Protagoniste et antagoniste. Le premier plan dialogue alors avec l’arrière plan. Mais il arrive aussi qu’il n’y ait rien d’autre à voir que la toile grise elle-même. Le vide ultime sur une table recouverte par un manteau d’amour. »
Au deuxième étage, deux courts métrages documentaires sont projetés : « Nature Morte » & « Nude », du jeune réalisateur belge Basile Rabaey.
Communiqué de Presse, concernant une seconde exposition, accessible, également, jusqu’au 21 décembre :
La « Hangar Gallery » est née, en 2015, de cette volonté de suivre durablement et de représenter des artistes qui façonnent une œuvre photographique résolument ancrée dans notre époque. Les artistes de la galerie, toutes générations confondues et d’horizons divers, osent remettre en question les codes de la photographie, du conceptuel au documentaire, se réapproprier le medium et le métamorphoser. Leurs travaux abordent les grands défis actuels – dont l’urgence écologique et le rapport à la création, à l’heure de l’IA, – par leurs identités plastiques singulières, ces artistes nous invitent à questionner notre rapport au monde.
La mission d’ « Hangar Gallery » consiste donc à soutenir ces artistes dans leur quête d’une photographie actuelle, plurielle et prospective, en offrant un soutien humain et matériel à leur création, tout en promouvant leurs œuvres auprès d’un public d’amateurs et de collectionneurs. Cela se concrétise par l’organisation d’expositions, la participation à des foires et des collaborations diverses.
La « Hangar Gallery » est fière de représenter neuf artistes :
Sylvie Bonnot (France/°1982 – vit en Bourgogne)
Antoine De Winter (Belgique/°1985 – vit à Bruxelles)
Véronique Ellena (France/°1966 – vit à Paris)
Lior Gal (France-Islande/°1977 – vit à Sienne)
Claudia Jaguaribe (Brésil/°1955 – vit à São Paulo)
Kíra Krász (Hongrie/°1995 – vit à Budapest)
Matthieu Litt (Belgique/°1983 – vit à Liège)
Alice Pallot (France/°1995 – vit à Bruxelles)
Luc Praet (Belgique/°1966 – vit à Bruxelles)
Parmi ces artistes, cinq femmes et quatre hommes (1Brésilienne, 3 Françaises, 1 Franco-Islandais, 1 Hongroise & 3 Belges/ ndlr), représentant différentes générations artistiques. Six d’entre eux transforment le tirage photographique en une œuvre unique, par le biais d’interventions plastiques et explorent la matérialité du médium à travers des techniques telles que le modelage, le tissage, le collage et le dessin. Deux d’entre eux explorent les possibilités de la création d’images avec l’intelligence artificielle, tandis que deux autres ancrent leur pratique dans le documentaire fictionnel et artistique.
Ouverture de la « Hangar Gallery » : jusqu’au 21 décembre, du mercredi au dimanche, de 12h à 18h. Prix d’entrée : 9€ (7€, pour les seniors de plus de 65 ans / 5€, pour les étudiants et demandeurs d’emploi). Contacts : 02/538.00.85 & contact@hangar.art. Sites web : https://www.hangar.art/ & https://www.stephanvanfleteren.com/atelier.
Sur ce dernier site web, de Stephan Vanfleteren, nous trouvons une importante sélection de ses photographies, répertoriées par thèmes.
Comme écrit plus haut, la « Hangar Gallery » soutient des artistes photographes. Ainsi, jusqu’au dimanche 15 décembre , l’une des artistes françaises qu’elle soutient, Sylvie Bonnot, expose, en France, « Un Monde en mue », au sein du « Château de Tours ».
Retour à Bruxelles, du jeudi 23 janvier jusqu’au dimanche 23 février 2025, nous vivrons, à la « Hangar Gallery » et en de nombreux autres lieux de la Région de Bruxelles-Capitale, la 9è édition du « Photo Brussels Festival ».
Yves Calbert.