A la “Villa Empain”, à Ixelles, jusqu’au 16 Mars : “Alechinsky. Pinceau Voyageur”



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« L’art a pour résultat, alors même qu’il ne l’a pas pour objet apparent, l’amélioration de l’homme » (Victor Hugo).

“Je me rappelais l’ombre des saules sur les palissades d’une maison de Tokyo, écriture mouvante, merveilleusement inutile, qui m’avait traduit en gestes de peintre une caresse naturelle, le vent, l’arbre. Je revoyais Toko Shinoda user doucement un bâton d’encre sur la pierre, choisir avec sollicitude son meilleur pinceau” (Pierre Alechinsky).

C’est en ses paroles de l’artiste-peintre belge Schaerbeek/1927) que commence le guide du visiteur offert gratuitement à tous les visiteurs, rédigé par Catherine de BraekeleerWilrijk/1954),  licenciée à l’ “UCL”, en 1978, en “Histoire de l’Art et Archéologie”, commissaire de l’exposition temporaire “Alechinsky. Pinceau Voyageur”, accessible à la “Villa Empain”, jusqu’au dimanche 16 mars.

Catherine de Braekeleer © Photo : Laszlo Arany

Ancienne directrice du “Centre de la Gravure et de l’Image imprimée”, Catherine de Braekeleer écrit : “Cette exposition est une invitation à un voyage. Une centaine d’œuvres de 1947 à 2024 relie Pierre Alechinsky à une réalité : son imagination avant, pendant et bien après ‘CoBrA’ (mouvement artistique {1948-1951}, dont le nom provient des villes de résidence de la plupart de ses membres : “Copenhague, Bruxelles, Amsterdam”/ndlr) qui exalta sa liberté d’esprit, de geste et d’expérimentation.”

Lors de la visite de presse, Catherine de Braekeleer nous confia : “Je ne connaissais pas Pierre Alechinsky, lorsqu’il m’a appelé une première fois. Il me proposa de réaliser une exposition sur son travail imprimé … J’ai accepté … Dix-sept expositions suivirent.”

Alechinsky, passionné par les questions d’écriture, est fasciné par les pratiques et traditions artistiques en cours au Japon et en Chine.”

“À l’automne 1955 il embarqua pour un séjour de deux mois au Japon. Il y réalisa un film : ‘Calligraphie  japonaise’. Captivé par la fluidité de la gestuelle orientale, il adopta des matériaux plus rapides et plus souples : le papier, l’encre et le pinceau deviennent ses outils de prédilection.”

“Durant l’automne 1965, dans l’atelier de l’artiste chinois Walasse Ting, à New York, il amorça un abandon de la peinture à l’huile pour l’acrylique sur papier posé à plat sur le sol, ensuite marouflée sur toile. Il peint penché en avant, un pinceau dans la main gauche, un bol de couleur ou d’encre dans la main droite.”

© Pierre Alechinsky © Photo : Laszlo Arany

“En 1988, Alechinsky lors d’un voyage en Chine, réalisa des estampages de ‘pièces du mobilier urbain’ et d’ornements de cloches d’un temple entreposées dans un dépôt militairement surveillé ! ‘J’ai emporté leurs images grâce à cette ancestrale technique chinoise‘. »

© Pierre Alechinsky © Photo : Laszlo Arany

“Il se lia avec de nombreux écrivains. L’exposition présente des œuvres conçues à quatre mains avec Joyce Mansour, poétesse d’origine égyptienne, Amos Kenan, auteur israélien, ainsi que l’essayiste et poète libanais, Salah Stétié.”

“Hier déjà, aujourd’hui encore, Alechinsky aux aguets nous livre des images racontant son monde passé et présent issu d’un pinceau en situation de rêverie.”

Soulignons que c’est la première fois, depuis l’ouverture au public de la “Villa Empain”, en 2010, que la “Fondation Boghossian”“Centre d’Art et de Dialogue entre les Cultures d’Orient et d’Occident » y présente une exposition solo consacrée à un artiste majeur européen du XXè siècle.

Fondation Boghossian

 Clavecin décoré par Pierre Alechinsky & Jiri Kolar/1986 © Ph. : S. Cappellari /“Fondation Boghossian”

Concernant le clavecin, exposé au rez-de-chaussée, dans “Remarques marginales” (Ed. “Gallimard”/1997), Pierre Alechinsky écrit : “J’avais à décorer un clavecin. Pour connaître le nombre de mes peintures sur papiers de Chine à maroufler sur les boiseries, j’en fis le tour avec une feuille tenue à bout de bras. Comme je passais devant le couvercle du clavier, je constatai une discrète exactitude entre l’écartement effectif des bras d’un claveciniste, du grave à l’aigu, et la largeur maximale d’une feuille de papier afin qu’un artisan puisse encore la saisir à deux mains, bras écartés ni trop ni trop peu.”

© Pierre Alechinsky © Photo : « Fondation Boghossian »

… Et Catherine de Braekeleer de préciser : « C’est un clavecin qui a été fait par Von Nagel et qui est décoré à la fois par Pierre Alechinsky et Jiri Kolar. C’est vraiment l’esprit de ‘Cobra’, qui est là alors qu’il s’agit d’une œuvre des années quatre-vingt. S’y exprime toujours cette idée de faire fi d’une individualité. Une nouvelle identité se crée, qui n’est pas l’un ou l’autre, mais la somme de l’un et  l’autre. »

Notons, au passage que la commissaire partage avec l’artiste le goût du voyage. En 1979, elle a ainsi commencé sa carrière comme responsable des fouilles archéologiques, au “Palais du Dey”, à la Citadelle d’Alger.

“Alechinsky, Pinceau Voyageur” est une ode au voyage, qui explore notamment la fascination de l’immense artiste pour les pratiques et traditions artistiques en cours en Chine et au Japon, qui l’ont respectivement inspiré.

Pierre Alechinsky & son “Pinceau Voyageur” © “Fondation Boghossian”

Pierre Alechinsky rejoint donc parfaitement l’objectif de la “Fondation Boghossian” qui veut que “l’expression artistique, langage universel, doit promouvoir le dialogue entre les cultures”.

Ainsi, illustrant “Pinceau Voyageur”, le titre de la présente exposition, dans “Remarques marginales” (Ed. “Gallimard”/1997), Pierre Alenchinsky écrit : “Longtemps les cartes de navigation aérienne de l’ ‘OTAN’ eurent ma préférence. Leurs confins maritimes montrent un liséré bleu bordant un désert blanc, la terre là-haut couverte de glaces. Nous voyageons, mon pinceau et moi, entre ce bleu et ce blanc. Nous, entrons dans un fjord outremer où fument des maisons de bois, touchons un port du Japon, une petite crique expressive, dans les Aléoutiennes, et une baie canadienne, peu fréquentée, que Riopelle (Jean-Paul Riopelle {1923-2002}, un peintre canadien /ndlr) connaît pour y avoir pêché au printemps. Je saute mieux au pinceau qu’à la perche. Du Danemark jusqu’au au Cap Nord … Je contourne à l’encre de Chine la presqu’île de Kola, longe à présent les franges toujours blanches et bleues de Sibérie. Là-bas, l’eau de mer est morte, cela ne se voit pas sur le papier imprimé. Quand nous traversons cette zone, nous filons sur Lisbonne, en évitant Cadix, comme Filochard et Ribouldingue (deux “Pieds nickelés”, une bande dessinée créée par le dessinateur et scénariste français Louis Forton {1879-1934}/ndlr).”

Evoquant son pinceau, lisons encore cet autre récent propos de l’artiste (2024) : “Chez moi c’est la gauche, ma meilleure main, qui tient le pinceau. Quel pinceau ? Un pinceau japonais. Neuf centimètres de poils de chèvre montés sur dix-neuf centimètres de bambou premier choix. Ainsi passons -nous, pinceau et moi, indifféremment du dessin à la peinture et de la lithographie à l‘eau-forte.”

 De son côté, Salah Stétié, dans le livre “Salah Stétié et les Peintres” (“Ed. “Au Fil du Temps”/ 2012), nous confie : “La rencontre avec Pierre Alechinsky, qui eut lieu il y a un quart de siècle, fut l’une des plus déterminante dans ma vie. À l’époque de bien de faux-semblants et de ruses stériles chez bien des artistes, j’avais enfin en face de moi un peintre-peintre. Il avait des couleurs sur les mains et dans les yeux. Il avait aussi des lignes fluides, continuant Matisse, bien que hachées parfois, des lignes sachant capter la musique des formes. J’aimais ses cadrages, ses encadrements, ses bordures agrémentées de signes et qui semblaient, au point de départ, vouloir isoler le monde peint rêvé par le créateur du monde palpitant, bruyant et désordonné qui sert de champ clos à nos vies, elles aussi tout désordre.”

“Vocabulaire” © Pierre Alechinsky/1986 © Ph. : S. Cappellari/« Fondation Boghossian »

A nous de découvrir, sur deux étages de la “Villa Empain”édifiée, de 1931 à 1934, en style “Art Déco”, par l’architecte belgo-suisse Michel Polak (1885-1948) – une centaine d’œuvres de Pierre Alechinsky et de nombreux documents d’archives, rassemblés au cours des septante dernières années son travail étant un :

Ode à la liberté, l’exposition mettant en exergue la liberté d’expérimentation de l’artiste, qui alterne, depuis 1947, différentes techniques et supports.

“Lieu-dit” © Pierre Alechinsky/1994-2024 © Photo : « Fondation Boghossian »

Ode à l’amitié, l’exposition présentant des œuvres conçues à quatre mains par Pierre Alechinsky, avec des artistes comme l’auteur, peintre & sculpteur israélien Amos Kenan (1927-2009), l’auteur & poète tchèque Jiří Kolář (1914-2002), la poétesse égyptienne Joyce Mansour (Joyce Patricia Adès/1928-1986) ou l’écrivain libanais Salah Stétié (1929-2020).

Ouverture : jusqu’au dimanche 16 Février, du mardi au dimanche, de 11h à 18h. Prix d’entrée (incluant un guide du visiteur) : 12€ (8€, pour les étudiants, les enseignants, les PMR & dès 65 ans / 4€, pour les moins de 26 ans / 1€25, pour les Art. 27 € / 0€, pour les moins de 12 ans). Personnes porteuses d’un handicap : ascenseur disponible & chiens-guides, pour non-voyants bienvenus. Contacts : 02/627.52.30 & info@boghossianfoundation.be. Site web : https://villaempain.com/.

Exposition Echoes Of Art Deco © Silvia Cappellari, Fondation Boghossian.

“Echoes of Art Deco” © Photo : Silvia Cappellari/”Fondation Boghossian”

Sans supplément de prix d’entrée, visitons, au sous-sol, l’exposition “Echoes of Art Deco”, accessible jusqu’au dimanche 25 mai. Bénéficiant d’une superbe scénographie, cette expo est la première de l’événement 2025 de la Région de Bruxelles-Capitale : “L’Année Art Déco”.

Yves Calbert.