JLL sort une étude approfondie sur les besoins en « régénération » du bâti tertiaire à Bruxelles. Par « régénération » on entend d’une part la remise aux normes énergétiques actuelles soit par la rénovation, soit par la reconstruction, et d’autre part la recherche d’usages alternatifs pérennes. Le rapport part d’une analyse du stock de bureaux existant pour ensuite estimer les besoins en rénovation ou reconstruction.
Les possibilités de repositionnement en des usages alternatifs sont également étudiées. L’analyse se conclut par une estimation de l’impact de la régénération sur les valeurs locatives.
Pierre-Paul Verelst, Head of Research BeLux chez JLL, et auteur de l’étude : « Sur base de la dernière date de construction ou de rénovation nous estimons l’âge moyen du bâti tertiaire à Bruxelles à 24 ans. Si l’on se base sur le nombre d’immeubles et non la surface on passe à 29 ans. Le stock de bureaux est donc vieillissant et il y a fort à faire pour atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2050. »
Les grands enseignements :
L’étude estime qu’environ 2 millions de m² du stock de bureaux dans le grand
Bruxelles dispose d’une certification verte « BREEAM ». Ce label est actuellement préféré aux scores PEB qui divergent en fonction des pays et même en Belgique entre les différentes régions. Sur cette base, JLL estime que 84% du bâti bruxellois – couvrant une superficie totale de 13 millions de m² – ne répond plus aux normes énergétiques actuelles.
Les grands occupants de type « corporate » ont déjà fait une partie du trajet vers la durabilité de leurs immeubles. Certaines communes dont Bruxelles-Ville, Uccle, Etterbeek ainsi que les régions flamandes et bruxelloises ont fait de même.
Cependant en ce qui concerne l’Etat Fédéral, il semblerait manquer d’une vision stratégique à long-terme, probablement freiné par un processus beaucoup plus lent.
Quant aux institutions européennes, le projet de rachat par le fond « City Forward », regroupant des immeubles propriétés de la Commission Européenne, va clairement changer la donne et contribuer à verdir leur patrimoine. Ce fond est détenu en grande partie par l’Etat Fédéral.
En se basant sur les immeubles qualifiés de « Grade C » (plus de 15 ans d’âge et n’ayant pas subi de rénovation depuis), JLL estime a minima les besoins en régénération à 6 millions de m². En étendant l’étude aux immeubles plus récents
(Grade B) mais sans certification ou sans PEB A ou B, les besoins estimés dépassent les 11 millions de m². Pour atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, il faudrait renouveler le stock de 420.000 m² par an, soit 3% du stock actuel. Cela ne sera possible qu’avec beaucoup plus de pragmatisme et d’efficacité dans l’octroi des permis.
Repositionner les bureaux en surplus :
La généralisation du travail hybride met en évidence que les besoins futurs en bureaux seront plus restreints que par le passé. Les transactions de ces dernières années témoignent d’ailleurs d’une réduction significative de la surface prise en occupation. Il n’est pas rare qu’un déménagement s’accompagne d’une réduction de moitié des besoins en bureaux.
Que faire alors des bureaux excédentaires ? De la reconversion…
« Depuis 2010 pas moins de 1,7 millions de m² a déjà été reconverti en d’autres usages, dont 69% en appartements », explique Pierre-Paul Verelst. Des quartiers administratifs entiers ont ainsi vu leur fonction changer en résidentiel. L’Avenue Marcel Thiry, la Rue Colonel Bourg et les environs de l’Avenue Louise sont les exemples les plus connus. Actuellement, c’est autour du Boulevard du Souverain et de la Rue de Genève que se multiplient les projets de reconversion. Selon l’étude, le futur potentiel de reconversion est de plusieurs centaines de milliers de m² dont une partie dans des projets mixtes mêlant « bureaux » et « résidentiel » ou l’hôtellerie. Les exemples récents sont le ZIN et la tour
Victoria au quartier Nord et le Royale Belge à Watermael-Boitsfort.
« La mixité est cependant techniquement plus difficile à mettre en œuvre », affirme Sébastien Giordano, Head of Project Development Services BeLux. « Il faut, en effet, prévoir des systèmes de production énergétique distincts pour chaque usage ou encore des accès séparés (ascenseurs, etc.) ».
Les biens certifiés affichent des loyers plus élevés et sont plus attractifs tant pour les occupants que les investisseurs
Cette étude se penche également sur l’impact de la durabilité sur les valeurs locatives et la liquidité pour les investisseurs.
Ce qu’il faut en retenir :
Dans les quartiers « CBD », les immeubles de Grade A (de moins de 5 ans), certifiés ou non, affichent des loyers de 43% supérieur à ceux de Grade C (plus de 15 ans) et de 21% supérieurs à ceux de Grade B (6-15 ans).
Les loyers moyens pour du Grade A certifié BREEAM dépassent de 16% les immeubles de Grade A sans certification. Les immeubles Grade A avec certification ont des loyers 45% supérieurs à ceux de Grade C au CBD.
La même analyse en Périphérie et au Décentralisé donne des résultats assez similaires. Par exemple, les loyers moyens obtenus en périphérie pour des immeubles Grade A certifiés excèdent de 51% les loyers moyens en Grade C. Par ailleurs, les biens de Grade A certifiés affichent des loyers de 18% supérieurs au Grade A non certifié.
« Un exemple récent de surperformance d’un immeuble neuf certifié est la transaction de Partena dans le projet Aria d’Athora au Centre-Ville. Cet immeuble affiche entre autres un BREEAM Excellent et est en voie d’achèvement. Son loyer dépasse de près de 20% des biens Grade B tout proches », illustre Christophe Golenvaux, Head of Office Agency Brussels & Wallonia chez JLL.
Vincent Van Brée, Head of Office Capital Markets BeLux, ajoute : « La certification augmente également les chances d’une occupation à long terme d’un immeuble, ce qui est essentiel pour les investisseurs et la rentabilité de leurs sous-jacents. »
Ralph Schellen, Head of Offices & Business Development conclut : « La régénération du bâti tertiaire, valable aussi pour le parc immobilier résidentiel, les infrastructures d’éducation, les centres commerciaux ou encore les centres de soins, est un défi énorme. Des solutions existent mais exigent un travail collectif entre toutes les parties impliquées, qu’elles soient des promoteurs, des décideurs politiques, des architectes, des investisseurs, des banques, des grands occupants ou des simples particuliers. C’est main dans la main que l’on arrivera vers un monde décarboné. »