Le défi du partage : Vos amis vont adorer ce contenu autant que vous, prêts à le partager?

Le Professeur Martine Piccart, Directrice de
la recherche scientifique à l’Institut Jules Bordet, fait le point sur des
avancées très concrètes qui permettent aux cliniques du sein de proposer
un plan thérapeutique de plus en plus personnalisé, associé à une
désescalade significative des traitements pour des patientes
sélectionnées.
« Choisir de se faire soigner dans une clinique du sein, c’est opter pour une médecine de pointe et un
cadre médical dans lequel chaque cas est discuté de manière collégiale dans une consultation
oncologique multidisciplinaire. C’est choisir une méthode d’analyse de la maladie et un traitement
calibré pour chaque type de cancer du sein. » explique le Pr Martine Piccart.
La signature Mammaprint, une avancée de taille dans l’individualisation des traitements des cancers
du sein hormonodépendants diagnostiqués précocément
Une analyse génomique pour prédire si oui ou non, une patiente suivie pour un cancer du sein
hormonodépendant bénéficiera d’une chimiothérapie administrée en plus d’une hormonothérapie.
C’est le projet de l’étude Mindact menée par l’EORTC (European Organisation for Research and
Treatment of Cancer) et le BIG (Breast International Group) depuis 2009 et dont l’Institut Jules Bordet
fut l’un des centres de recrutement clé en Europe. La recherche a aujourd’hui neuf ans de recul sur
cette étude dont les dernières analyses ont récemment été présentées au congrès de l’ASCO
(American Society of Clinical Oncology).
Le principe de l’étude Mindact
Mindact étudie l’utilité clinique du test pronostique Mammaprint, un test génomique qui permet de
prédire si une chimiothérapie adjuvante apporte un bénéfice additionnel en termes de survie sans
rechute pour les femmes qui reçoivent systématiquement déjà une hormonothérapie pour leur cancer
du sein hormonodépendant. Cancer qui, rappelons-le, représente trois quarts des cancers du sein
actuels. »

L’impact concret pour les patientes concernées
La signature Mammaprint permet de désescalader le traitement sans risque pour les femmes de plus
de 50 ans. La signature est une expression de gènes pour les cancers du sein hormonodépendants et
permet d’identifier les femmes de plus de 50 ans qui ne tireront pas de bénéfices de l’addition d’une
chimiothérapie à leur hormonothérapie. Il s’agit dès lors d’une avancée marquante en matière de
personnalisation du traitement pour cette catégorie de patientes.
Les résultats de l’étude Mindact, avaient déjà été publiés en 2016 avec un recul de 5 ans. Ceux-ci ont
été présentés cette année au congrès de l’ASCO avec une analyse plus mature et un recul de 9 ans.
Cette analyse montre que le test est particulièrement performant au-delà de 50 ans pour les patientes
jugées par leur oncologue à risque élevé de rechute sur base de critères cliniques mais qui ont une
signature de gènes « Mammaprint » considérée comme à bas risque. L’étude Mindact montre que le
devenir de ces patientes, avec un recul de 9 ans, est identique avec ou sans chimiothérapie.
Chez les femmes de moins de 50 ans la signature Mammaprint est informative mais omettre la
chimiothérapie peut conduire à un risque plus élevé de rechute (autour de 5%).
« Cet essai Mindact est particulièrement important. Il y a aujourd’hui beaucoup de biomarqueurs qui
enthousiasment les chercheurs et les médecins, mais il y en a peu qui font l’objet d’une étude de
validation aussi poussée. L’essai Mindact est basé sur plus de 6600 femmes recrutées à travers toute
l’Europe. C’est un effort considérable qui a été développé pour démontrer l’efficacité d’un biomarqueur.
Pour bon nombre d’autres biomarqueurs intéressants, cette démonstration à grande échelle n’existe
malheureusement pas encore. »
De nouveaux médicaments ciblés pour les cancers hormonodépendants
Ici aussi, des grands pas ont été réalisés en terme de survie des patientes. Lorsque le cancer
hormonodépendant d’une patiente récidive, la maladie devient incurable. L’ont fait alors appel à des
armes thérapeutiques qui permettent de contrôler la maladie pendant un certain nombre d’années.
Dans ce contexte, il a été prouvé récemment qu’une nouvelle catégorie de traitements ciblés contribue
à augmenter la survie de ces patientes avec des effets secondaires limités. Ces médicaments ciblés
s’ajoutent à l’hormonothérapie, s’administrent oralement et sont appelés « inhibiteurs CDK-46 ». Ce
sont des médicaments qui retardent le développement d’une résistance au traitement
d’hormonothérapie en bloquant des voies de signalisation que la cellule tumorale peut utiliser pour
favoriser sa survie.
« Ces médicaments sont au nombre de trois : le PALBOCICLIB, le RIBOCICLIB et l’ABEMACICLIB. La
recherche clinique a démontré ces derniers mois que cette famille de médicaments permettait non
seulement d’augmenter la survie des patientes mais aussi leur qualité de vie ».
Des médicaments ciblés pour les cancers du sein HER2 positif de stade précoce
« Une autre avancée thérapeutique importante se situe au niveau des cancers du sein HER2 positifs,
qui représentent 15-20 % des cancers du sein en Belgique. Grâce au développement de médicaments
ciblés qui visent le tendon d’Achille de ce cancer en l’occurrence le récepteur HER2, il est possible, à un
stade précoce de la maladie (pas de métastases), de proposer une approche thérapeutique très
personnalisée ».

La recherche a montré que pour les petites tumeurs sans atteinte de ganglion, on peut simplifier la
chimiothérapie et se limiter à une seule drogue de chimiothérapie (le Taxol), associée à une thérapie
ciblée, le trastuzumab. Évitant ainsi le recours à des traitements bien plus agressifs tels que pratiqués
depuis des années.
Pour les tumeurs de taille plus importantes, on favorise aujourd’hui les traitements par médicaments
avant la chirurgie. On a montré qu’en utilisant deux anticorps contre le récepteur HER2 en association
avec une chimiothérapie, l’on pouvait obtenir une rémission complète de la maladie (la tumeur
disparait) avant la chirurgie dans 60% des cas.
Enfin, pour les femmes qui n’ont pas de disparition totale de la tumeur à la chirurgie et qui présentent
dès lors un risque élevé de rechute, il a été démontré que la prise du médicament TDM1 après la
chirurgie les protège de manière importante contre la récidive avec une bonne tolérance au
traitement. Le médicament TDM1 fonctionne comme un cheval de Troie. Il s’agit du trastuzumab
auquel on attache un agent de chimiothérapie très toxique mais qui n’attaque que les cellules
tumorales grâce à l’anticorps trastuzumab qui reconnait les cellules tumorales de manière privilégiée.
« La recherche a également montré cette année que d’autres médicaments, basés sur le même principe,
obtenaient des taux de réponse spectaculaires pour des cancers avancés. Les perspectives dans cette
voie sont donc très encourageantes. »
L’immunothérapie contre le cancer du sein, une piste de recherche prometteuse
Les immunothérapies sont considérées comme intéressantes en particulier pour les cancers du sein
qui n’ont pas de récepteurs, appelés « cancers du sein triple négatif » (pas de capteurs hormonaux,
pas de récepteurs HER2). Les cancers triples négatifs se traitent avec une chimiothérapie mais lorsqu’il
y a une récidive (dans 50% des cas), le pronostic est relativement sombre. Dans ce cas,
l’immunothérapie montre des résultats encourageants. En effet, si l’on ajoute une immunothérapie à
la chimiothérapie, on obtient des meilleurs résultats mais ceux-ci sont encore fragiles.
« Il est probable que pour les cancers du sein, il faudra continuer à faire des recherches avec des
immunothérapies combinées (combinaison d’immunothérapies différentes) en plus de la
chimiothérapie. Il s’agit d’un domaine dans lequel la recherche doit absolument investir. Une piste
intéressante est de tester ces thérapies combinées tôt dans le traitement, avant une rechute, dans une
visée curative. »
L’étude « Alexandra »
L’Institut Jules Bordet est responsable de la collecte des données de la première grande étude
mondiale qui teste une chimiothérapie avec une immunothérapie, comparé à une chimiothérapie
seule, pour les patientes présentant un cancer du sein triple négatif et qui ont été opérées. L’étude
Alexandra, coordonnée par le BIG, est aujourd’hui en pleine phase de recrutement.