L’exposition « Birdsong », dans laquelle on reconnaît les différentes facettes de la pratique de Claerbout, s’étend sur les trois étages de la galerie.
En entrant dans l’espace du rez-de-chaussée, nous sommes éblouis par l’intensité des couleurs et des vibrations visuelles de l’œuvre Birdcage (2023, vidéo monocanal, audio stéréo, 1h36). La tranquillité du jardin pittoresque que nous voyons est radicalement perturbée par une explosion. Le plan prolongé de l’éruption est réduit à une expérience visuelle en raison de l’absence du son d’une explosion quelque peu espéré. L’image imperturbable est pour le spectateur à la fois effrayante et réconfortante.
Non sans faire allusion à l’Empire des Lumières de René Magritte, la série qui reprend l’image paradoxale d’un paysage nocturne avec un ciel ensoleillé, Claerbout souligne ici comment l’être humain construit activement le monde qui l’entoure. Un élément essentiel dans l’œuvre de David Claerbout, est l’inversion entre le premier plan et l’arrière-plan et le changement qu’elle apporte à notre perception du monde.
En accord avec les idées de Claerbout sur l’anti-anthropocentrisme, l’étourneau sansonnet et la grive musicienne se voient attribuer le rôle principal, avec une forte concentration sur le changement d’aura qu’ils subissent dans les états de panique, passant d’un registre de légèreté à un portrait expressionniste de la peur. Alors que nous assistons à l’échange progressif des qualités énergétiques de la violence et de la paix, Claerbout montre comment notre mémoire complète notre perception visuelle et comment le sujet humain se manifeste en tant que temps. L’attention portée à l’arrière-plan nous fait passer d’un contexte lyrique à un état de tension irrésistible, le tout soutenu par une approche très picturale qui revient tout au long de l’exposition.
L’œuvre Backwards Growing Tree (2023, vidéo monocanal, audio stéréo, 5 ans) montre une représentation numérique d’un arbre solitaire dans la campagne près de Salsomaggiore Terme (région de Parme, Italie). L’arbre, entièrement créé numériquement et paradoxalement réalisé à la main, est suivi sur une période de cinq années.
Conçu comme une tentative de contrer l’aspect linéaire du temps, Backwards Growing Tree nous montre le passage du temps dans un miroir. Tous les processus naturels se déroulent à l’envers, mais il nous est impossible de percevoir l’inversion à l’œil nu. L’aspect intime et révélateur réside dans la dimension temporelle où le retour de l’arbre vers un état plus jeune nous incite à réfléchir aux notions de disparition et de perte.
Au deuxième étage sont exposées des œuvres sur papier directement liées à Backwards Growing Tree et Birdcage. Il s’agit d’études qui soutiennent les œuvres vidéos et qui analysent et donnent un aperçu tant à l’artiste qu’au spectateur. Ces œuvres sur papier réaffirment la nature picturale de l’œuvre de David Claerbout.
Au même étage se trouve également la série Texas Border Piece (2023). Il s’agit d’une série de neuf œuvres sur papier, entièrement réalisées en nuances de gris, et comprenant également une projection murale, une composition en stop motion construite à partir des neuf dessins.
Cette série capture un moment émotionnel à la frontière entre le Texas et le Mexique, où des garde-frontières Américains trouvent des Haïtiens qui tentent de traverser le Rio Grande pour se rendre aux États-Unis. La violente opposition des agents à cheval, contraste fortement avec les intentions innocentes des familles qui voient leur malheur s’aggraver. Lorsque David Claerbout a vu les photos de presse en 2022, il a été très impressionné par le style faussement pictural, d’autant plus qu’elles contrastent fortement avec la triste situation réelle.
La projection qui accompagne les œuvres sur papier nous montre une transition entre la confrontation brutale et une sorte d’embrassade des qualités de la nature, ce qui, indirectement, ne fait qu’accentuer le caractère effrayant de la scène. Claerbout symbolise en quelque sorte les objectifs et les ambitions des réfugiés. Il utilise le motif de l’arbre pour forger une unité dans l’espace qui dissout la division entre les rives gauches et droites du fleuve et leurs équivalents politiques.
Les œuvres de David Claerbout font partie de grandes collections publiques, notamment: Centre Georges Pompidou, Paris; Pinakothek der Moderne, Munich; Art Gallery of Ontario, Toronto; The Museum of Contemporary Art, Los Angeles; Walker Art Center, Minneapolis; Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Washington D. C.; S.M.A.K, Gand; The Margulies Collection, Miami; Collection François Pinault, Paris; FRAC Nord Pas de Calais; Galerie Neue Meister, Dresde; GAM Galleria D’Arte Moderna et Contemporanea, Turin; …
Il a fait l’objet de nombreuses expositions solo internationales, dont les plus récentes: Out of the box – 20 years of Schaulager, Basel, Suisse (2023); Meditation in Peace. Meditation in Pieces, Taipei Fine Arts Museum (2023); The Close, Milwaukee Art Museum, USA (2022); Unseen Sound, Garage Museum of Contemporary Art, Moscou, Russie (2021); Kunstmuseum Basel Gegenwart, Suisse (2020); Kunstmuseum Winterthur, Suisse (2020); Galerie Rudolfinum, Prague, République tchèque (2020); The Pure Necessity, Parasol Unit à Zuoz, Suisse (2019); Kunsthaus Bregenz, Autriche (2018); Talbot Rice Gallery, University of Edinburgh, Écosse (2018); Schaulager, Bâle, Suisse (2017); FUTURE, De Pont, Tilburg, Pays-Bas (2016);…
David Claerbout vit et travaille à Anvers.
Exposition David Claerbout, « Birdsong », Galerie Greta Meert, 13, Rue du Canal à 1000 Bruxelles. jusqu’au 3 février 2024.
Heures d’ouverture pendant les expositions : du mardi au samedi de 14h à 18h. Renseignements : tél. 02 219 14 22, https://galeriegretameert.com/