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Le Conquérant - Tome 18

Couveture du Tom 18 de « Jhen », dessiné par © Paul Teng/Ed. « Casterman »

« Chef-d’oeuvre du XIe siècle, la ‘Tapisserie de Bayeux’ a une valeur documentaire exceptionnelle pour la connaissance de son époque. Elle offre à celui qui la découvre pour la première fois un tel foisonnement de détails sur les personnages, les vêtements, les bâtiments, les navires, qu’il peut se perdre dans cette toile qui peut être considérée comme la première bande dessinée du Moyen Âge. » © Ed. « Orep »éditeur normand, au service de la valorisation de la Normandie.Illustration.

Guillaume le Conquérant brodé sur la « Tapisserie de Byeux » © « Bayeux Museum »

Ainsi considérée par certains comme étant la 1ère bande dessinée du Moyen-Âge (voire de l’histoire), cette même « Tapisserie de Bayeux » a inspiré les auteurs du Tome 18 de « Jhen », dessiné par le Rotterdamois Paul Teng et scénarisé par la Nancéenne Valérie Mangin, qui en ont fait le « fil rouge » de leur histoire intitulée « Le Conquérant », en allusion à Guillaume 1er, appelé « Guillaume le Bâtard » ou « Guillaume le Conquérant » (ca 1027-1087), Roi d’Angleterre (1066-1087) et Duc de Normandie (1035-1087).

1ère planche, p. 03, Jhen dans la « Ville aux cent Clochers » © P. Teng & V. Mangin/Ed. « Casterman »

Synopsis : « Dans l’Abbaye aux Hommes, à Caen, des Anglais assassinent un moine et s’emparent des reliques de Guillaume le Conquérant. Venu à la rescousse, Jhen Roque est emmené de force à Bayeux. Il y découvre que le Duc de Bedfford, le commanditaire du vol, est tout aussi fasciné par la magnifique tapisserie qui raconte la conquête de l’Angleterre par les Normands. Mais sa convoitise ve se heurter à des événements aussi étranges que terrifiants… Et si le Conquérent revenait de l’Au-delà pour reprendre ce qui lui appartenait… »

P. 17, l’apparition du Conquérant et de la Reine Mathilde © P. Teng & V. Mangin/Ed. « Casterman »

Leur récit débute en juilet 1435, à Caen, la « Ville aux cent Clochers », actuel chef-lieu d’arrondissement du CalvadosDépartement libéré par les Britanniques, le 08 juin 1944, alors qu’au XIè siècle, les Anglais étaient dirigés par le  Duc de Normandie, Guillaume le Conquérant, qui fut Roi d’Angleterre, jusquà son décès, la« Tapisserie de Bayeux » nous contant les évènements de la conquête de l’Angleterre, en 1066, 626 personnages202 chevaux et mulets, ainsi que 41 navires étant brodéssur une longueur de 70 mètres

P. 04, 8è case, le moine face à son assassin © Paul Teng & Valérie Mangin/Ed. « Casterman »

… Bien sûr, nous comptons beaucoup moins de personnages dans la BD de Valérie Mangin et Paul Teng, mais en pages 21, 22 et 23plusieurs cases dessinées par ce dernier reprennent des détails de cette illustre tapisserie

Clin d’oeil à notre actualité, en p. 16, Jhen s’exclame : « Vous l’avez ‘confinée’ dans sa chambrette« , évoquant la belle Adèle, autre héroïne fictive de ce récit… Et en parcourant les pages de cet album, en découvrant des acteurs de rues en pleine action, nous aurons une pensée émue pour ces comédiens contemporains, comme ceux de « Namur en Mai« , qui, depuis la mi-mars, ne peuvent plus s’exprimer face à leur public

Jhen T. 18 : Le Conquérant - Valérie Mangin, Paul Teng & Céline Labriet - Casterman

P. 07, attaque sur la route de Bayeux, avec Jhen, menotté © P. Teng & V. Mangin/Ed. « Casterman »

Mais retour au XIè siècle, une époque où des croyances religieuses laissaient place à l’inexplicable, en pensant au créateur de la série, le Strasbourgeois Jacques Martin (1921-2010), qui pouvait mêler le fantastique au réel, ce qu’ont très bien repris les actuels repreneurs de l’oeuvre du maître

Justement, présentons ce duo, qui, pour la 1ère fois ont uni leurs talents pour créer un album de la série « Jhen » :

*** le dessinateur néerlandais Paul Teng (°Rotterdam/1955), qui signe, ici, son 3è album de « Jhen », après deux tomes réalisés sur des scénarios de Jean-Luc Cornette et Jerru Frissenles N° 16 et 15, ayant été, pour ce dernier ouvrage, « Les Portes de Fer », le lauréatà Bruxelles, en 2016, du « Prix du meilleur Auteur néerlandophone », et avoir été récompenséaux Pays-Bas, en 2013, du« Prix Stripschap »octroyé pour l’ensemble de son oeuvre.

A noter qu’ayant entammé des études d’Anthropologie Culturelle, il les interrompit pour se consacrer entièrement à la bande dessinée.

Parmi ses autres ouvrages, citons, édité en 2018, par « Glénat »« Livingstone », sur un scénario du Français « Rodolphe » (Rodolphe Daniel Jacquette), une BD à (re)lire actuellement vu que ce médecin-missionaireDavid Livingstone (1813-1873-) rencontra Henry Morton Stanley (1841-1904), employé, au Congo, par le Roi Léoplod II,… dont il est beaucoup question ces derniers jours…

Il est aussi le scénariste et dessinateur des 4 tomes de la série « Delgadito »créée en 2017 et éditée par « BD Must », ainsi qu’éditées par « Le Lombard », les 5 tomes de chacune des séries « L’Ordre impair » (2004 à 2008), scénarisés par l’Espagnole Cristina Cuadra Garcia et le Tournaisien Rudi Miel, et « Shane » (de 1998 à 2002), sur des scénarios du Belgo-Français Jean-François Di Giorgio.

« Casterman », en 2009, édite « Le Téléscope », un « one shot », qu’il dessine, Jean Van Hamme, un « monument » de la bande dessinée, lui qui, en 2015, fut anobliau titre de « Chevalier », par le Roi Philippe, et fait, en 2012, à Paris, « Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres », étant le lauréat d’une multitude de « Prix »en Allemagne, en Espagneen Franceà Monacoen Suède et en Belgique.

Parmi eux, notons trois « Alph Art du Public », au « Festival d’Angoulème », en 1989 et 1996, pour deux tomes de « Thorgal » (une série qu’il créa en 1980, avec Grzegorz Rosinski, et dont il scénarisa le 29 premiers tomes), ainsi qu’en 1997, pour « L’Affaire Francis Blake », avec Ted Benoît aux dessins, le 13è tome des enquêtes de « Blake et Mortimer »personnages créés par Edgar P. Jacobs (1904-1987).

P. 05, 4è case, Jhen seul contre tous © Paul Teng & Valérie Mangin/Ed. « Casterman »

Mais revenons au dessinateur de « Jhen ». Pour« Planète BD », Benoît Cassel écrit : « Paul Teng est un honnête continuateur de la griffe artistique initiée par Jacques Martin. Si le style est différent (moins ligne claire), son trait réaliste est en revanche d’une grande justesse, tant dans les proportions, les postures et les mouvements des personnages, que pour la majesté des décors, détaillés et nombreux. »

De son côté, Jacques Schraûwen écrit : « D’album en album, son trait devient plus aérien, ai-je envie de dire, il quitte de plus en plus les chemins balisés d’une certaine ligne claire pour se permettre des jeux de mouvements, de regards, d’apparences, qui rythment le récit et lui donnent une vie qui n’a rien de statique. »

Sur le site d’ « Auracan.com », nous lisons : « Paul Teng a pris ses marques dans l’univers de Jhen et son trait et ses encrages, un peu plus rudes que ceux des autres dessinateurs de la série conviennent idéalement à l’époque dépeinte, tout en respectant la création de Jacques Martin. »

N’oublions pas la mise en couleurs, fort bien réussie, due à Céline Labriet, qui a pu restituer au mieux l’ambiance pensée par Jacques Martin et, ensuite, par Jean Pleyers, maîtrisant talentueusement les jeux d’ombres et les reliefs.

Le dessinateur néerlandais Paul Teng © Jean-Jacques Procureur

*** la scénariste française Valérie Mangin (°Nancy/1973), devenue une authentique Bayeusaine, ce qui lui permet une parfaite connaissance de la « Tapisseie de Bayeux » et de l’histoire de Bayeux. Détentrice d’un baccalauréat scientifique, elle remporta, en 1990, en version latine, un « Prix au Concours général ». Ayant soutenu, à Paris, à l’ « Ecole nationale des Chartes », une thèse d’histoire des institutions de l’époque moderne (« De la Grande Chancellerie au ministère de la Justice {1774-1792}« ), elle reçut le titre d’archiviste-paléographe, lui ouvrant les portes de la fonction publique. Dans le même temps, à la « Sorbonne », elle suivit des cursus en histoire et en histoire de l’art.

Si elle signe, ici, son 1er scénario pour la série « Jhen », soulignons que, depuis 2012, elle vit dans l’univers de Jacques Martin, ayant signé tous les scénarios des 10 albums de la série « Alix Sénateur », créée en 2012, éditée par « Casterman », le 10è et dernier tome, « La Forêt Carnivore », venant d’être édité, comme « Le Conquérant »en date du 03 juin 2020, ces deux ouvrages, fort de ses compétences en histoitre de l’art, nous offrant un intéressant mélange entre la réalité historique et l’imaginaire, le personnage fictif « Jhen » étant, comme elle, un passionné d’art

A noter que si « Jhen » fut en contact, imaginaire, avec Jeanne d’Arcl’historienne Valérie Mangin s’intéressa particulièrement à la « Pucelle », puisqu’elle scénarisa deux albums intitulés « Jeanne d’Arc », édité, en 2011, par « Dupuis », et « Moi, Jeanne d’Arc », édité, en 2012, par « Des Ronds dans l’O », tous deux dessinés par la Parisienne Jeanne Puchol

Ayant été la scénariste de plus de dix séries, soulignons qu’en 2019, elle épousa un collègueauteur de BD, le Parisien Denis Bajram, qu’elle avait rencontré un an plus tôt, lors d’une séance de dédicases, alors qu’elle était encore étudiante à l’ « Ecole des Chartes ». Ainsi, Valérie Mangin, repris à son époux la scénarisation de la série « Les Mémoires mortes » qu’il avait créé, en 2000, aux Ed.« Les Humanoïdes associés »En 2010, tous deux signent – avec Fabrice Neaud secondant Denis Bajram pour les dessins -, « Trois Christ », nous replongeant en 1353, avec, autour de vénération du « Saint Suaire » – tout comme dans la série « Jhen » –un sculpteur médiéval pour héros, cet ouvrage étant édité par les Editions françaises « Soleil », sous le label« Quadrant Solaire » que ce couple créa, en 2005, à l’origine de leur Maison d’Edition belge « Quadrants », qu’ils créèrent, en 2007, alors qu’il travaillaient, à Bruxelles, au Studio « L’Etuve ».

La scénarite française © Valérie Mangin/2016

*** Et pour nos lecteurs qui ne connaissent pas cette série, précisons qui est son hérosJhen RoqueMaître architecte et maître sculpteur, qui parcourt la France, ayant essayé, en vain, de libérer Jeanne d’Arc (ca 1412-1431), la veille de son exécution. Se liant, ainsi, pour un temps, d’amitié avec le ténébreux Gilles de Rais, compagnon d’armes de « La Pucelle », ayant réellement existé, lui aussi, contrairement à Jhen, créé par Jacques Martin, pour les scénarios, et Jean Pleyers, pour les dessins.

P. 09, l’arrivée à Bayeux © Paul Teng & Valérie Mangin/Ed. « Casterman »

Ensemble, ils signeront les 9 premiers tomes de la sérieJacques Martin étant secondé, aux scénarios, par Hugues Payen, pour les tomes 10 et 11, ce dernier devenant le seul scénariste des tomes 12 ert 13. Les autres scénaristes furent Jerry Frissen et Jean-Luc Cornette, pour les tomes 14, 15 et 16, ainsi que le Tuninien « Néjib » (Néjib Belhadj Kacempour le tome 17. Quant au Verviétois Jean Pleyersco-créateur de la série, il dessina encore les tomes 11, 13, 14 et 17, les dessins des tomes 10 et 12 ayant été réalisés par le Bruxellois Thierry Caiman.

*** Quelques mots sur  le Strasbourgeois Jacques Martin, qui, créateur d’ « Alix » (1948), « Lefranc » (1952),« Jhen » (1978) et de quatre autres sériesassista « Hergé » (Georges Remy/1907-1983) pour ses titres « L’Affaire Tournesol » (1956), « Coke en Stock » (1958), « Tintin au Tibet » (1960), « Les Bijoux de le la Castafiore » (1963) et « Vol 14 pour Sydney » (1968), tous ces albums ayant été édités par « Casterman ».

Jacques Martin (1921-2010), créateur d’ « Alix », « Lefranc » & « Jhen », édités par « Casterman »

Sa principale série « Alix », traduite en plus de10 langues, a été vendue, dans le monde, à 15 millions d’exemplaires. Ayant été scénarisé et dessiné  les 18 premiers tomes, victime d’une dégénérescence maculaire, il fut secondé, pour les dessins, pour le tome 19, par Jean Pleyers. Ensuite, il demeura l’unique scénariste jusqu’au tome 24, étant ensuite secondé par différents auteurs, jusqu’au tome 28, édité quelques mois avant son décès.

Fait « Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres »en Paris, en 2005, il est le lauréat de nombreux Prix, tel celui « de la meilleure Oeuvre réaliste française », au « Festival d’Angoulème », en 1978, pour le tome 13 d’ « Alix »« Le Spectre de Carthage ». A Bruxelles, en 1979, il reçut le« Prix Saint-Michel du meilleur Scénario pour l’Ensemble de son Oeuvre », et, en 2003, le « Grand-Prix Saint-Michel pour l’Ensemble de son Oeuvre ». N’oubions pas, non plus, que pour « Le Cheval de Troie », le tome 19 d’« Alix », il obtint, en 1989, à Grenoble, le « Prix de la BD d’Or », au 1er « Salon européen de la BD ».

P. 21, lors de l’accrochage de la « Tapisserie de Bayeux » © P. Teng & V. Mangin/Ed. « Casterman »

Assurément, pour la présente série « Jhen »Paul Teng et Valérie Mangin sont ses dignes successeurs, en notant que cette dernière participe, sans dénaturer l’oeuvre de Jacques Martin, à la modernisation des scénarios, désormais plus courtsplus efficaces pour les lecteurs du XXIè siècle.

Longue vie à « Jhen » et bonne continuation à Paul Teng et Valérie Mangin.

Yves Calbert.