La santé des sols européens pourrait être grandement améliorée. C’est ce que révèle un nouveau rapport de la Cour des comptes européenne. La gardienne des finances de l’UE critique les efforts déployés jusqu’ici par les 27 pour garantir la gestion durable des sols. Selon elle, la Commission européenne et les pays de l’UE n’ont pas suffisamment exploité les instruments financiers et législatifs à leur disposition. Les auditeurs ont constaté que les normes de l’UE étaient souvent peu ambitieuses et que les États membres ne concentraient pas les financements sur les zones qui connaissent les problèmes de sol les plus urgents. Le rapport fait suite à une analyse indiquant que 60 % à 70 % des sols européens ne sont pas en bonne santé, en raison notamment de mauvaises pratiques de gestion des sols et des effluents.
Le sol fournit aux plantes nutriments, eau et oxygène et sert de support à leur croissance. Mais l’utilisation excessive d’engrais dans l’agriculture a un impact négatif sur la qualité de l’eau et sur la diversité de la flore et de la faune. Les règles européennes, notamment la directive «Nitrates» et celles qui relèvent de la politique agricole commune (PAC), promeuvent l’amélioration de la gestion des sols et des effluents. Selon la meilleure estimation des auditeurs, la PAC a consacré entre 2014 et 2020 quelque 85 milliards d’euros à la santé des sols. La directive «Nitrates» limite quant à elle l’utilisation d’effluents d’élevage contenant de l’azote dans les zones polluées.
« Le sol, qui est indispensable à la vie, n’est pas une ressource renouvelable », a déclaré Eva Lindström, la Membre de la Cour responsable du rapport. «Or, une partie importante des terres européennes ne sont pas saines. Notre signal d’alarme devrait inciter l’UE à réagir pour rétablir la bonne santé de nos sols. Nous devons penser aux générations futures. Les modifications qui vont être apportées aux règles de l’UE offrent l’occasion aux législateurs européens de renforcer les normes de gestion des sols dans l’ensemble de l’Europe.»
Les auditeurs ont constaté que l’outil mis en place par l’UE pour garantir le respect des conditions environnementales par les agriculteurs – la «conditionnalité» – pourrait permettre de lutter contre les menaces pesant sur les sols dans la mesure où les normes correspondantes s’appliquent à 85 % des terres agricoles. Cependant, ces conditions, que les agriculteurs doivent satisfaire pour recevoir des paiements de la PAC, ne sont pas assez strictes. Les exigences relatives aux sols fixées par les pays européens ne requièrent guère de changements dans les pratiques agricoles, et l’amélioration de la santé des terres pourrait n’être que marginale. Des progrès ont certes été réalisés pour la période 2023‑2027, mais les modifications apportées jusqu’ici dans certains États membres sont insuffisantes et pourraient n’avoir qu’un impact limité sur la gestion durable des sols et des effluents.
Les pays de l’UE auraient dû allouer des ressources aux zones connaissant des problèmes pédologiques aigus. Pourtant, ils ne leur ont consacré qu’une petite partie des fonds mis à leur disposition par l’UE dans le cadre du développement rural, utilisés pour la mise en œuvre volontaire de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. En dépit des problèmes notoires liés aux excédents d’azote, leurs programmes de développement rural prévoyaient peu de mesures de gestion des effluents.
La Commission européenne peine à obtenir une vue d’ensemble de la manière dont les 27 appliquent les exigences concernant la gestion des effluents, car les données qu’ils fournissent sont incomplètes. Ces lacunes empêchent également de calculer les moyennes au niveau de l’UE. En outre, les dérogations limitent l’efficacité des restrictions à l’épandage d’effluents. La pollution des sols a ainsi augmenté dans les exploitations qui ont bénéficié d’une dérogation au plafond d’azote. Les auditeurs relèvent aussi que les procédures d’infraction à la directive «Nitrates» engagées à l’encontre des pays sont très longues.
Contexte
L’UE s’est engagée à respecter les objectifs de développement durable des Nations unies, dont sept ont un impact direct ou indirect sur les sols. Pourtant, il n’existe actuellement pas de définition de la gestion durable des sols convenue au niveau de l’UE. La Commission européenne travaille à l’élaboration d’une initiative législative sur la protection, la gestion et la restauration des sols de l’UE et vient de publier une proposition de nouvelle directive sur la santé des sols, qui sera examinée par le Parlement européen et par le Conseil de l’UE dans les mois qui viennent. L’objectif est d’assurer une bonne santé des sols d’ici à 2050.
Des études montrent qu’en Europe, l’écosystème du sol va continuer à se dégrader en raison de différents facteurs. Un quart environ des terres de l’UE présentent un taux d’érosion supérieur au seuil de durabilité recommandé, et la majorité des sols de l’Union risquent un appauvrissement de leur biodiversité. Le sol a besoin d’azote, un élément essentiel à la croissance des plantes. Un manque d’azote peut entraîner une dégradation des sols. À l’inverse, trop d’azote peut causer une pollution des eaux et une eutrophisation. De 2012 à 2015, les taux de pollution les plus élevés de l’UE ont été enregistré à Chypre et aux Pays-Bas. Entre 2016 et 2019, la dernière période pour laquelle des données sont disponibles, la valeur connue la plus élevée a été relevée aux Pays-Bas.
L’audit a porté sur la période 2014‑2020 (la durée de validité des normes alors en vigueur ayant été prolongée pour couvrir les exercices 2021 et 2022), avec une perspective sur la période 2023‑2027. Les auditeurs ont cherché à déterminer si la Commission européenne et les États membres avaient utilisé efficacement les outils dont dispose l’UE pour promouvoir une gestion durable des sols agricoles et des effluents. Cinq pays de l’UE ont été sélectionnés aux fins de l’audit: l’Allemagne, l’Irlande, l’Espagne, la France et les Pays-Bas.
Le rapport spécial 19/2023 «Action de l’UE pour une gestion durable des sols – Des normes peu ambitieuses et un ciblage limité» est disponible sur le site internet de la Cour https://www.eca.europa.eu/ECAPublications/SR-2023-19/SR-2023-19_FR.pdf