Selon l’IFDH, l’Etat de droit est sous pression en Belgique
L’Institut fédéral des droits humains (IFDH) publie aujourd’hui un état des lieux de l’État de droit et des droits humains en Belgique. L’Institut alerte sur l’érosion préoccupante de l’État de droit, tout en soulignant qu’il est possible d’inverser cette tendance par des actions concrètes et structurelles. Le rapport a été remis aux membres du Parlement fédéral et du gouvernement, à l’ouverture de cette nouvelle année parlementaire. Il contient plus de 30 recommandations.
« L’accord de gouvernement fédéral reconnaît explicitement l’importance de l’État de droit, ce qui est évidemment très positif », déclare Martien Schotsmans, directrice de l’Institut fédéral des droits humains (IFDH). « Mais la reconnaissance seule ne suffit pas. Dans la pratique, cet engagement se traduit encore trop peu par des actions concrètes et structurelles. Un exemple emblématique est celui des autorités qui ne mettent pas en œuvre des décisions de justice qui les condamnent. »
L’importance de juges indépendants
L’IFDH se dit particulièrement préoccupé par certaines mesures annoncées dans l’accord de gouvernement fédéral et qui affectent le pouvoir judiciaire. Il pointe notamment le transfert toujours plus important de compétences du pouvoir judiciaire vers le pouvoir exécutif, alors que les droits fondamentaux sont mieux protégés lorsqu’un juge, indépendant et impartial, tranche les litiges.
L’Institut s’inquiète également des réformes annoncées concernant le Conseil du contentieux des étrangers. Cette juridiction deviendrait une composante d’un nouveau Service public fédéral Migration, et ses juges ne seraient plus nommés à vie, mais pour une période renouvelable de cinq ans. Selon l’IFDH, ces mesures comportent un risque pour l’indépendance et l’impartialité des juges ainsi que pour la séparation des pouvoirs.
« Les juges doivent être indépendants », souligne Martien Schotsmans. « C’est au cœur du droit à une protection juridictionnelle effective et du droit à un procès équitable. C’est un principe fondamental de l’État de droit. »
Des défis structurels qui persistent
Le rapport pointe également le problème persistant de la non-mise en œuvre par les autorités des décisions de cours et tribunaux qui les condamnent. Ce phénomène est particulièrement visible dans la pénurie structurelle de places d’accueil pour les demandeurs d’asile, mais il se manifeste aussi dans d’autres domaines : conditions de détention, absence de soins adaptés pour les personnes internées ou encore violations des droits procéduraux comme la durée excessive de certaines procédures judiciaires.
Malgré des condamnations répétées, notamment de la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne, les autorités ne donnent pas toujours de suite à des décisions judiciaires.
Ces constats ne constituent pas des instantanés, mais ils sont plutôt les symptômes d’une érosion progressive qui appelle une réponse déterminée.
Martien Schotsmans, Directrice de l’IFDH
Par ailleurs, l’IFDH met en garde contre les restrictions imposées aux libertés fondamentales, et notamment au droit de manifester et à la liberté d’expression. L’Institut reconnaît la légitimité des efforts des autorités pour prévenir les incidents ou sanctionner les infractions, mais il rappelle que les actions de protestation doivent pouvoir réagir rapidement à l’actualité. Interdire a priori certaines manifestations non autorisées au préalable ou imposer des conditions disproportionnées entrave, selon l’IFDH, l’exercice de ce droit fondamental.
Une réponse déterminée est nécessaire
« Ces constats ne constituent pas des instantanés, mais ils sont plutôt les symptômes d’une érosion progressive qui appelle une réponse déterminée », déclare Martien Schotsmans. « Nous demandons au Parlement fédéral et au gouvernement de mettre en œuvre des actions structurelles qui renforcent l’État de droit en Belgique, en garantissant l’indépendance de la justice, la mise en œuvre des décisions judiciaires et la protection des droits fondamentaux. Nous appelons à un dialogue constructif avec les pouvoirs publics sur les mesures concrètes à mettre en place pour non seulement préserver l’État de droit, mais aussi le renforcer durablement. »
Lisez le rapport État de droit :
https://institutfederaldroitshumains.be/fr/letat-de-droit-et-les-droits-humains-en-belgique