A “La Piscine”, à Roubaix, jusqu’au 11 Janvier : “Odette Pauvert. La Peinture pour Ambition au Temps de l’Art Déco”
Après l’avoir été en différents lieux, en Belgique, c’est à « La Piscine », à Roubaix, qu’est célébré, jusqu’au dimanche 11 janvier, le Centenaire de l’ « Art déco ». A cette occasion, le « Musée d’Art et d’Industrie André Diligent » nous propose de célébrer, avec son exposition « Odette Pauvert. La Peinture pour Ambition au Temps de l’Art Déco », un autre Centenaire, celui de la première artiste peintre féminine ayant remporté, en 1925, le « Grand Prix de Rome », Odette Pauvert (1903-1966), une expo présentée dans le cadre de la 7e édition de « Lille 3000 », intitulée « Fiesta ».

« Odette Pauvert dessinant dans son atelier de la « Villa Médicis » (Anonyme/1929) © Collection particulière
Lisons ce qu’écrivent, en avant-propos du catalogue, la directrice-conservatrice des musées de Roubaix, Hélène Duret, & conservatrice chargée des collections Beaux-Arts de « La Piscine » , Adèle Taillefait : « Comme Camille Claudel (1864-1943), Odette Pauvert se confronte dans son art au monumental comme au format miniature ; elle est capable d’illustrer le drame des grands récits comme les scènes les plus anodines, empruntées à la poésie du quotidien. L’une comme l’autre passent subrepticement d’un format à l’autre, d’un registre à l’autre, défiant une hiérarchie des
genres dont la pertinence est mise à mal, au moins depuis le XIXe siècle, faisant par là même fi des genres et des catégories artistiques dans lesquels la société cantonnait encore trop les artistes femmes. Enfin, les deux artistes partagent une même exigence de métier, une même allégeance envers la maîtrise des techniques liées à leur art, guidées par un idéal de retour au savoir-faire et à la dimension artisanale de la création. »

« Après le Bain » (Odette Pauvert/1923) © Collection particulière © Photo : Alain Leprince
Femme dans un environnement encore largement masculin, Odette Pauvert s’inscrit, en 1922, aux « Beaux-Arts », à Paris, signant, ainsi, le début officiel de sa carrière, marquée, l’année suivante, en 1923, par sa réalisation d’études académiques du nu, féminin, avec « Après le Bain », et masculin, « Nu masculin au Doigt levé ». Déjà sa maîtrise, sa rigueur s’affirment.

« Invocation à Notre-Dame-des-Flots » (Odette Pauvert/1925)
Parmi ses nombreuses toiles spectaculaires, l’une d’elle s’impose à nous, par son ampleur & sa gravité : « Invocation à Notre-Dame-des-Flots » (1925), Odile Pauvert y dépeignant la baie des Trépassés et ses figures hiératiques, empreintes d’une retenue expressive, qui deviendra sa signature. Ayant présenté cette oeuvre, en 1926, au « Salon des Artistes français », celle-ci se place en plein dans le néo-régionnalisme des années 1920, célébrant, entre mysticisme et art décoratif & mysticisme, des mythes et de la culture bretonne, dont elle se revendique avec conviction.

« Promotion 1926 » (Odette Pauvert/1927) © « Villa Médicis »/Rome © Photo : Alain Leprince
Odette Pauvert, fille et sœur d’artistes, suit, à première vue, une voie toute tracée, son « Grand Prix de Rome« lui ouvre, pour trois ans, les portes de la « Villa Médicis », à Rome. Là-bas, elle donne toute la mesure de son talent dans des œuvres où se lit la révérence envers les maîtres du « Quattrocento » italien. dette Pauvert a 22 ans quand elle part pour Florence, en passant par Pise, avant d’arriver à la « Villa Médicis », à Rome, en janvier. L’administration de l’ « Académie » l’autorise, en raison de son jeune âge et de son statut de femme célibataire, à venir accompagnée de sa famille, qui demeure un temps avec elle. La peintre reste trois ans et demi au sein de cette « Villa Médicis », y occupant un atelier, dans les jardins.
À son retour à Paris, la peintre affiche son ambition, celle du grand décor. Son mariage, en 1937, et la Seconde Guerre mondiale portent un coup à cette ascension fulgurante, alors que, dans les années 1950, le triomphe des avant-gardes laisse peu de place aux tenants du classicisme.

« Portrait de Femme dit de Mata-Hari » (autoportrait/O. Pauvert/1921) © Photo : Alain Leprince
Ceci alors qu’elle poursuivit, en effet pendant toute sa carrière, une ambition résolument classique & décorative, à contre-courant d’une certaine vision de la modernité, ce qui la destinait, tout naturellement aux cimaises de « La Piscine », qui souligne, ainsi, sa marque d’un engagement fort, pour célébrer les artistes féminines de l’entre-deux-guerres, qui sont omniprésentes au sein de ses collections.
Ainsi, a commissaire, Adèle Taillefait, conservatrice des « Collections Beaux-Arts » de « La Piscine » nous confia sa volonté de nous faire découvrir cette figure oubliée de la peinture, reliant son œuvre sous le prisme des recherches récentes, qui interrogent la place des femmes dans le cursus académique des « Beaux-Arts », au début du XXe siècle.
En 1934, Odette Pauvert ayant reçu une bourse, pour séjourner à la « Casa de Velázquez », l’ « Académie de France », à Madrid, passe près d’une année en Espagne. L’artiste y peint quelques toiles magistrales mais pour la plupart disparues. Au fil de ses voyages en Castille et en Andalousie, frappée par l’aspect tourmenté des paysages qu’elle traverse, par la violence des couleurs, qu’elle y découvre et par la physionomie des habitants, qu’elle rencontre. Associant souvent le noir profond du fusain au rougeoiement de la sanguine, sur des feuilles de grand format, elle exécute sur place des dessins puissants, qu’elle présente, notamment, en cette même année, lors de sa première exposition personnelle, à la « Galerie de la Renaissance », à Paris.
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« Autoportrait au Bonnet napolitain » (Odette Pauvert /1926) © Collection particulière © Photo : Alain Leprince
L’année 1937 marque un nouveau tournant dans la vie, comme dans l’œuvre de l’artiste. Elle se marie avec André Tissier, donnant naissance à trois enfants : Odile, en 1938, Yves, en 1939, et Rémy, en 1941.

« Odile, Yves et Rémy au Rond-Point des Champs-Elysées » (Odette Pauvert/1946) © Collection particulière © Photo : Alain Leprince
Devenue mère, Odette Pauvert fait de la sphère domestique un sujet d’inspiration et multiplie les scènes de tendresse familiale, ainsi que les portraits de ses enfants, souvent utilisés comme modèles, comme, en 1946, pour « Odile, Yves et Rémy au Rond-Point des Champs-Elysées ».
D’autres oeuvres présentées, comme « En Cage » (1938), dans laquelle une femme élégante contemple un oiseau enfermé, évoquant pour l’artiste cette tension entre liberté & confinement, bonheur familial & solitude intérieure, dans une réflexion sur sa condition de mère & sur sa place d’artiste.
Entre paysages bretons, portraits intimes, années romaines & madrilènes, cette intéressante exposition célèbre, au XXIe siècle, une artiste femme française méconnue du siècle dernier.
Organisée, avec une scénographie réalisée grâce au concours des peintures « Tollens », grâce à une riche et foisonnante collection d’œuvres, provenant de prêts des « Beaux-Arts », à Paris, de la « Villa Médicis », à Rome, mais également de sa famille – Thibaut Gemignani, son petit-fils, étant le conseiller artistique -, cette rétrospective constitue une première pour cette artiste féminine, le parcours de cette exposition retraçant sa vie et son style singulier, lui rendant ainsi sa juste place dans l’histoire de l’art.

Catalogue disponible (Blandine Chavanne, Patrizia Celli, Louis Deltour, Anaïd Demir, Bruno Gaudichon, Thibaut Gemignani, Julie Schowing, Adèle Taillefait & Alice Thomine-Berrada/Ed. « Norma »/Paris/240 p./30,5 x 23 cm) : 39€.
** A « La Piscine », deux autres expositions temporaires :
- « Folles Années, un Vestiaire Années 20 », jusqu’au dimanche 15 février 2026 :
Au sein des cabines de bain de l’étage, « La Piscine » fête un 3e centenaire, celui de l’ « Exposition internationale des Arts décoratifs », à Paris, en nous présentant cette seconde exposition, nous proposant de découvrir un florilège des « perles » de ses collections « Textile et Mode » : étoffes de jacquard savamment tissées, tissus damassés aux motifs chatoyants, toilettes de jour et tenues de soirée, …
- « Agnès B. On aime le Graff !! », jusqu’au dimanche 11 janvier 2026 :
« Ce qui me tient à cœur et que je ne cesse de répéter, c’est que le graffiti n’est pas une pollution. Au contraire, c’est un art riche. Quelque chose qui embellit la vie, qui embellit la ville », écrit « agnès b. » (Agnès Troublé/°Versailles/1941), créatrice, en 1975, de sa marque de vêtements.
Galeriste, mécène, photographe & styliste française « agnès b. » nous fait partager son goût pionnier pour l’art urbain, qui émergea en France, au tout début des années 1980. Fascinée par les photographies de Brassaï (Gyula Halász/ 1899-1984/né à Brassó, en Transylvanie, dans l’actuelle Hongrie), & les graffitis, qui envahissent la ville, ainsi que le métro, à New York, avant de conquérir, bientôt, Paris, cette artiste se passionne pour cet art vivant et furtif.
À partir des collections de « La Piscine », cette expo révèle le regard de celle qui a accompagné ce mouvement reconnu depuis dans le champ de l’art contemporain. Dès 1984, « agnès b. » fut la première à offrir un lieu d’exposition à plusieurs de ces acteurs, dans sa galerie historique de la rue du Jour, à Paris, située dans le quartier des Halles, puis, dès 2020, dans la « Galerie du Jour agnès b. » de la « La Fab », dans le 13e arrondissement.
** Brasserie-Restaurant-Salon de Thé « Méert » :
Ouverte du mardi au dimanche, de 12h à 18h. Réservations : 00.33.3/20.01.84.21. Dans le décor d’origine de la caféteria-buvette de l’ancienne piscine ou sur la terrasse, chacun pourra déguster des spécialités du Nord (blanquette de veau traditionnelle, carbonades flamandes, waterzooi de Gent, …), voire les réputées « gaufres Méert », fourrées au beurre, au sucre et à la vanille de Madagascar, créées en 1849, par Michael Paulus Gislenus Méert.

© « La Piscine » © Photo : Alain Leprince
Ouverture : jusqu’au dimanche 11 janvier, du mardi au jeudi, de 11h à 18h, le vendredi, de 11h à 20h, le samedi & le dimanche, de 13h à 18h. Fermeture : tous les lundis, les jeudi 25 décembre 2025 & 01 janvier 2026. Prix d’entrée du musée (toutes expositions incluses) : 11€ (9€, en prix réduit). Transports en commun : musée sis à moins de 500 m de la gare ferroviaire et de la station de métro « Gare Jean Lebas » (en métro, à près de 30′ des gares « SNCF » de « Lille Flandre » & « Lille Europe »). Contacts : 00.33/3.20.69.23.60 & lapiscine.musee@ville-roubaix.fr. Site web : http://www.roubaix-lapiscine.com.
Yves Calbert.

