Est-ce que le désir est synonyme d’attente ? Le Français Olivier Kosta-Théfaine a développé une technique de pyrogravure dès 2007 et l’a affinée pour créer, vers 2010, ce qu’il appelle des « paysages de banlieue » : des arbres méticuleusement brûlés sur papier. À l’époque, j’avais exprimé mon souhait d’exposer seul une série de ce travail. Chacune des œuvres encadrées s’apparente à la vue d’une fenêtre en hauteur ouverte sur des arbres. Un ensemble de ces pièces confère à l’espace un aspect à la fois organique et minimal. Poétiquement, j’imagine la galerie comme percée d’ouvertures sur le paradis, mot d’origine perse qui a donné «jardin».
Quinze ans plus tard, nous y sommes : des branches de feuillus, et rien d’autre, s’exposent aux murs.
La démarche artistique d’Olivier Kosta-Théfaine est une réflexion globale sur la beauté de lieux ou d’objets invisibles à notre regard, formaté par tant d’habitudes et de préjugés. La méthode consiste souvent à renverser notre échelle de valeurs en ayant recours à une pratique dite « vandale » pour créer une œuvre d’art. La dissonance cognitive écarte notre a priori pour révéler les qualités réelles du travail. Ainsi, la délicatesse d’un paysage de banlieue surpasse la connotation ambiguë du titre de l’œuvre, d’autant plus qu’elle est créée par pyrogravure, une technique également connue des vandales. Autrement dit, lorsque le regard fait abstraction du contexte, l’émerveillement s’invite dans le cadre. C’est la touche spirituelle que l’artiste insuffle à ses papiers brûlés.
D’autres interprétations sont bien entendu possibles. Par exemple, pour l’écologiste, le rapport entre le médium et le sujet pourrait évoquer la relation complexe entre l’homme et la nature ; le botaniste compterait le nombre de platanes, marronniers, tilleuls et soforas…. L’historien de l’art verrait dans la composition et le réalisme du travail un hommage à d’autres paysages de banlieue comme la première photo de Joseph Nicéphore Niépce, prise vers 1826 et montrant le toit de sa maison, ou les peintures « Toits à Naples » de 1782 de Thomas Jones, œuvres probablement produites en plaçant une camera obscura sur le rebord d’une fenêtre.
Autant de pistes à emprunter selon l’humeur, autant d’images pour se perdre dans ses pensées. Et finalement, c’est ce qu’offre de mieux une image fixe et encadrée : la disponibilité à l’évasion.
Exposition « Paysages de banlieue. Papiers brûlés » d’Olivier Kosta-Théfaine chez ALICE Gallery, 2 rue Isidore Verheyden – 1050 Bruxelles. Du 11/09 au 18/10/2025. Ouvert les mercredis et samedis de 14h00 à 18h00, les jeudis et vendredis de 12h00 à 18h00. Renseignements : info@alicebxl.com, tél. 02.513.33 07, https://alicebxl.com/