Des éleveurs amateurs de moutons, chèvres et cochons demandent le maintien de la possibilité d’abattre à domicile les animaux servant à la consommation de leur famille. C’est à la maison qu’ils peuvent s’assurer de leur bien-être jusqu’à leur dernier souffle. Un meilleur cadrage des pratiques s’impose.
« Vaut-il mieux aujourd’hui être un cochon enfermé dans un bâtiment par centaines, sans aucun accès à la lumière du jour, ou un cochon élevé dans un jardin avec un ou deux congénères ? », interroge Xavier. La réponse semble aller de soi : gambadant dans des prés, par petits groupes, poules, moutons, chèvres et cochons sont soignés par les membres de la famille sans contrainte de rentabilité. Si certains représentent simplement des animaux de compagnie comme chiens ou chats, d’autres fournissent la nourriture du ménage : œufs, lait… et viande.
Donner la mort à un animal pour le manger est un sujet tabou. Pourtant, chaque consommateur de viande est impliqué. Plutôt que de déléguer l’élevage et l’abattage à d’autres, des familles décident de reprendre cet acte en mains. Elles s’assurent ainsi du bien-être de l’animal depuis sa naissance jusqu’à son dernier souffle. « Ces animaux sont au cœur des familles qui les accueillent, inculquant aux enfants les cycles de la vie, de la mort et les composantes de la chaîne alimentaire. », témoigne Marine, éleveuse amateur et mère de famille.
Cette liberté de produire sa propre alimentation en prenant la responsabilité de toutes les étapes est menacée. Il est question d’interdire l’abattage privé à domicile des petits ongulés pour les non-professionnels de l’agriculture. Un projet qui, au contraire de ses ambitions, va dans le sens d’un recul pour le bien-être animal. Motivé par le constat que des abattages sans étourdissement ont encore lieu clandestinement, cette future interdiction n’empêchera pas ces actes illégaux. Thierry Delporte analyse : « L’interdiction ne vise pas les bonnes personnes. Elle va impacter ceux qui sont conscientisés, et ceux qui maltraitent le feront toujours, dans l’illégalité. »
Les éleveurs réunis par Nature & Progrès pour discuter de ce projet de loi sont unanimes : le bien-être se trouve à la maison, y compris et surtout lors de la délicate étape de l’abattage. Robin en est convaincu. « Souvent, les animaux abattus à domicile n’ont jamais été transportés de leur vie, c’est un fameux stress pour eux. A l’abattoir, ils se retrouvent au milieu d’animaux de tous âges, au milieu d’odeurs inconnues (l’odeur de la mort, ils la reconnaissent), les agnelles se font « sauter » toute la nuit par des béliers de 60 kg… Il n’y a pas photo : entre le petit mouton qui est envoyé séparément à l’abattoir dans un transport qui dure des heures et le mouton tué au matador qui n’a pas le temps de dire ouf dans son étable… » Ils échangent sur les précautions prises pour préparer leurs animaux. « Promener la bête, l’habituer à sortir dans les endroits où elle sera abattue… », témoigne Marc. Stéphane analyse : « Dans un abattoir, il s’agit d’un processus mécanique alors qu’à domicile, il s’agit d’un geste inscrit dans une relation affective. »
Afin de garantir le bon respect des animaux lors de l’abattage privé, Nature & Progrès propose de limiter cette pratique aux éleveurs amateurs, disposant d’un numéro de troupeau et connus de l’ARSIA et de l’AFSCA. Les «acheteurs-abatteurs», qui achètent des animaux dans le but de les consommer directement, en seraient exclus. L’association propose également de mettre en place des formations sur les techniques, un répertoire d’abatteurs certifiés et de faire évoluer la procédure de déclaration d’abattage, ne permettant pas aujourd’hui un contrôle rigoureux. L’idée est de montrer patte blanche et permettre aux particuliers de poursuivre leur démarche dans le respect du bien-être de leurs animaux.
Du côté de l’élevage professionnel, les choses évoluent avec une promesse de financement d’un projet-pilote d’abattage à la ferme, dernière phase d’une étude entamée par l’Université de Liège. Cette innovation est présentée comme une avancée en matière de bien-être, dispensant les animaux du stress du transport. Abattre à la maison ou abattre à la ferme, mêmes enjeux ! « Là est le véritable débat qui permettrait d’avancer de manière significative en « bien-mourir » animal », conclut Stéphane.