Au “Musée de la Photographie de Charleroi”, jusqu’au 25 Janvier : “Histoires en Séries. Collection Astrid Ullens de Schooten Whettnall”
« J’aime quand ça pose question ! Quand ne pas comprendre peut devenir un moteur … Bref, je n’aime pas ce qui est facile, décoratif » (Astrid Ullens de Schooten Whettnall).
« La photographie donne à voir la couleur de la lumière ainsi que les couleurs d’une culture ou d’une époque » (Stephen Shore).

Astrid Ullens de Schooten Whettnall © FDM
Accessible jusqu’au dimanche 25 janvier 2026, cette nouvelle exposition, « Histoires en séries. Collection Astrid Ullens de Schooten Whettnall » – s’inscrivant dans la lignée de celles consacrées aux collections privées et d’entreprise précédemment organisées à Mont-sur-Marchienne -, occupe, à titre exceptionnel, toutes les salles principales du « Musée de la Photographie ».
Ce vaste espace d’expositions se justifie amplement, vu la présentation d’une sélection du travail – traitant de thèmes aussi variés que le documentaire social, l’architecture ou le récit de vie – de 39 photographes, venu.e.s de l’Afrique, des Amériques, de l’Asie & de l’Europe : Robert Adams, Diane Arbus, Lewis Baltz, Luz María Bedoya, Bernd & Hilla Becher, Thomas Boivin, Manuel Álvarez Bravo, Harry Callahan, Agustín Martínez Castro, Luc Chessex, Facundo de Zuviría, Peter Downsbrough, Mitch Epstein, Walker Evans, Hans-Peter Feldmann, Lee Friedlander, Paolo Gasparini, Jim Goldberg, Guido Guidi, Kenji Ishiguro, Graciela Iturbide, Zoe Leonard, Adriana Lestido, Helen Levitt, Peter Mitchell, Nicholas Nixon, Jo Ractliffe, Anne Rearick, Martha Rosler, Judith Joy Ross, Ed Ruscha, Ursula Schulz-Dornburg, Georges Senga, Jacques Sonck, Mark Steinmetz, Larry Sultan, Yutaka Takanashi, Henry Wessel & Garry Winogrand.

Série “Fifteen Photographs, 1958-1973” © Garry Winogrand
L’incroyable vient du fait que toutes les photographies exposées font partie d’une seule collection privée, celle d’une compatriote, passionnée d’art, Astrid Ullens de Schooten Whettnall, qui nous confia qu’elle possède plus de 6.000 photographies, prises par une centaine de photographes, rassemblées sur les trente dernières années, ce qui l’incita à créer, en 2012 – au N° 203, de l’avenue Van Volxem, à Forest – la « Fondation A Stichting », voisine du « Centre d’Art contemporain Wiels ».

Série “Para verte mejor, Latina America, 1970-1972” © Paolo Gasparini
A notre confrère Grégory Escouflaire, pour « L’Officiel », elle confia, en 2024 : « Je me souviens que je me suis assise sur un banc pendant une heure (en 1999, à « Art Basel », face à une photographie du sculpteur roumain, naturalisé français, Constantin Brancusi {1876-1957}/ndlr), en me disant : “Pourquoi veux-tu acheter une photo ? … Qu’est-ce que tu vas faire avec une photo ? … Mais je rêvais de pouvoir acheter un jour une œuvre de ce grand artiste que j’admire, et ses sculptures c’était impossible … Au début, je fonctionnais vraiment aux coups de cœur, sans trop réfléchir, mais par contre ce que j’ai toujours fait – et c’est ça la vraie force de ma collection – c’est acheter tout le travail d’un artiste. Pas seulement une ou deux photos mais toute la série … Pour des raisons mystérieuses, j’adore les petits formats. »
Auparavant, en 1976, ayant visité « Art Cologne », y découvrant l’art contemporain, elle avait déclaré : « Un vrai choc pour moi qui sortais du cocon familial ! Je ne comprenais absolument rien à ce que je voyais et donc j’ai commencé à suivre des cours, j’ai étudié, j’ai essayé de m’appliquer … Et quand c’est devenu un business, j’ai arrêté parce que ça ne m’intéressait pas, et je suis passée à la photo. »
Et notre confrère de poursuivre : « Quant à la Fondation qui porte discrètement son nom (le « A » d’Astrid), elle est née suite à un voyage privé, il y a quinze ans, en Afghanistan« , cette exceptionnelle collectionneuse lui ayant confié : « J’ai vraiment été saisie par l’obscurantisme qui régnait là-bas, par l’intégrisme des Talibans, par le traitement innommable qu’y subissent les femmes, et c’est là que je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose à mon retour en Belgique, parce que je ne supporte pas l’injustice … Pourquoi suis-je née du bon côté de la barrière ? … La photo, c’est très facile avec les enfants, ça les oblige à regarder, à réfléchir, à extérioriser, et ça peut même créer des vocations ! En fait, j’ouvre des portes, c’est tout. »
Aussi, chaque année, durant un mois, elle offre les cimaises de la « Fondation A S » aux étudiantes & étudiants des écoles de photographie, afin de confronter les jeunes artistes à la pratique de l’exposition, mais aussi au regard des visiteurs, l’accueil des écoles constituant le cœur du projet social de la Fondation.

Série “Belgique, 1979-1989” © Jack Sonck
Soulignons que la Fondation collabore régulièrement avec d’autres institutions, en Belgique comme à l’international, ayant, ainsi, été invitée, en 2019, à « Paris Photo », au « Grand Palais », où elle présenta son exposition « Fragments », ayant été mise à l’honneur, en 2024, aux « Rencontres de la Photographie d’Arles », proposant à ses visiteurs « Quand les images apprennent à parler ».

Série “Etats-Unis, 1963-1971” © Diane Arbus
Parmi les séries, actuellement exposées à Mont-sur-Marchienne, des originalités comme cette série de 48 portraits – « The Brown Sisters » – du photographe américain Nicholas Nixon (°Détroit/1947), qui photographia, systématiquement, son épouse et ses trois sœurs, une fois l’an, à la même date et selon un dispositif semblable, l’écoulement des années s’inscrivant sur ces 4 visages, les coiffures et les vêtements.

Une série de Facundo de Zuviría © FDM
Quittant la salle principale, nous nous rendons dans une petite salle occupée par 101 clichés du photographe allemand Hans-Peter Feldmann (°Düsseldorf/1941), qui nous présente les portraits de 101 personnes, d’un bébé de six mois, puis d’un enfant d’un an jusqu’à une dame de 100 ans.

Vue panoramique de la salle principale : « Histoires en Séries » © FDM
A l’étage, le réalisateur & photographe congolais – lauréat, en 2017, du « Prix democraSEE » de la « Biennale de la Photographie africaine », à Bamako – Georges Senga (°Lubumbashi/ 1983) nous propose une série originale , « Une Vie après la Mort » (2012), nous présentant des photos d’archives (trouvées sur internet, ses moyens de lui permettant pas de venir en Belgique), – conservées à l’ « AfricaMuseum« , à Tervuren -, de Patrice Lumumba (Élias Okit’Asombo/ 1925-1961) – assassiné alors qu’il était le Premier Ministre de la République Démocratique du Congo, fondée en 1960 – confrontées, en diptyque, à des photographies de son sosie, Kayembe Kilobo Lubamba, ce dernier étant, notamment, photographié avec son vélo, ce cliché jouxtant une photo de Patrice Lumumba confortablement assis dans sa voiture ministérielle … Un intéressant contraste !

Patrice Lumumba (photo d’archive) & Kayembe Kilobo Lubamba © Photo & Montage du Dyptique : Kayembe Kilobo Lubamba
- Fañch Le Bos, dans la « Galerie du Soir » :
Fraîchement diplômé de l’ « École Nationale Supérieure des Arts Visuels » (« ENSAV ») de La Cambre, Fañch Le Bos – un jeune Parisien d’origine bretonne, comédien dans une petite compagnie théâtrale, de 6 à 13 ans, réalisateur de courts métrages, durant son adolescence, dix années d’athlétisme intense lui ayant permis d’assumer le défi physique des poses qu’il doit s’infliger pour réaliser ses images – nous confia : « J’ai toujours été attiré par la Belgique et Bruxelles, l’ambiance de la ville, les gens … Et puis à La Cambre, je me retrouvais avec d’autres étudiants passionnés par le même médium que moi alors qu’aux ‘Beaux-Arts’, j’étais avec des sculpteurs, des céramistes, (alors que) j’avais envie et besoin de ces échanges avec des gens explorant les mêmes pratiques. »

Fañch Le Bos & Jean-Marie Wynants © FDM
« Dans la photographie, je me suis très vite orienté vers des choses comme les univers étranges de Gregory Crewdson … Je cherchais un équilibre entre l’absurdité des situations et la beauté de l’image. Peu à peu, j’ai été amené à tout faire moi-même. C’est quelque chose que je pratique depuis l’enfance et qui me plaît. Le fait d’investir l’espace, de chercher la bonne position, d’être dans la contorsion, ça me plaisait. Je me suis aussi rendu compte que si je mettais en scène d’autres personnes, cela engendrait automatiquement une série de questions : pourquoi des gens de tel âge, de telle couleur de peau, de telle morphologie ? Or ce n’est pas le sujet. Avec mon corps comme seul matériau de base, j’évacue tout cela. »
Concernant la présente exposition, nous dévoilant le contenu imprévisible de boxes d’un garde-meuble, il poursuit : « En gros, tout a commencé avec une photographie de corps dans des machines à laver. Je n’avais pas vraiment d’idée précise en tête, pas de projet clair. Et il s’agissait de montage, les corps n’étaient pas vraiment dans les machines. Pour cette image, j’avais utilisé mon propre corps mais j’avais aussi fait appel à une amie. Face au résultat, je me suis dit qu’il y avait une étrangeté qui me plaisait. L’absurde, le décalage m’intéressaient et j’avais envie de creuser cette veine-là … (abordant) ce sujet avec humour et dérision. »

De la série « Self-Storage » © Fañch Le Bos
Dans l’un de ces boxes, entre un buste d’Hercule et un nain de jardin, sous divers emballages, nous distinguons des corps figés, … une vision sombre … mais n’abandonnant pas tout espoir, Fañch Le Bos ajoutant : « S’ils sont là, c’est parce qu’ils ne servent plus. Mais aussi, comme pour un vieux fauteuil ou une lampe ancienne, parce qu’on se dit que ça pourrait resservir un jour. »
- « We knew how beautiful they were » (« Nous savions à quel point elles étaient belles »), de Younès Ben Slimane, dans la « Boîte noire » :
Comme toujours, à l’étage, la « Boîte noire » nous attend, nous présentant, cette fois, un court métrage – « We Knew How Beautiful They Were » (France/2022/21′) – réalisé par l’artiste & cinéaste tunisien Younès Ben Slimane (°1992), produit par l’ « Inside Productions » & « Le Fresnoy-Studio national des Arts contemporains », une institution française réputée, dont il est diplômé, lui qui présenta ses réalisations aussi bien à la « Biennale de l’Art Africain Contemporain », à Dakar, qu’au « Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée » (« MuCEM »), à Marseille, ou encore au « Wexner Center for the Arts », au sein de l’ « Ohio State University », à Columbus.
Ayant étudié, avant « Le Fresnoy », à l’ « École nationale d’Architecture et d’Urbanisme », à Tunis, Younès Ben Slimane vécut des résidences d’artistes à la « Villa Médicis », à Rome, ainsi qu’à la « Fondation Thalie », à Ixelles, mais aussi, un peu plus loin, à l’ « Al Ula Arts Residency », en Arabie saoudite, il nous présente, ici, une réalisation s’ancrant dans une recherche d’ambiances, de gestes & de traces, mémoire & matérialité s’entrelaçant.
Le titre de ce film – « We knew how beautiful they were » – est un vers emprunté au poète grec Georges Séféris (1900-1971), exprimant la mélancolie de l’exil. Entièrement tourné de nuit, nous voyons un homme creuser des tombes dans le désert. Les corps sont invisibles, mais les défunts sont représentés par leurs maigres effets : une chaussure, un jouet, un peigne. Aucun mot n’est prononcé, ce qui laisse au spectateur la possibilité d’imaginer une narration ou de se laisser captiver par la force muette des images.
- « What Walls See » (« Ce que voient les Murs »), jusqu’au Samedi 31 Janvier 2026 :
Présentée à la fin du « Parcours Découverte », cette exposition constitue l’aboutissement d’un partenariat entre le « Service Laïque d’Aide aux Justiciables et aux Victimes » (« SLAJ-V ») & l’ « Ecole de Photographie et de Techniques visuelles de la Ville de Bruxelles Agnès Varda », une initiative rendue possible grâce au soutien du personnel pénitentiaire.
- Collections permanentes :
Notre présence au« Musée de la Photographie », sera l’occasion de (re)découvrir ses collections permanentes.
- Billetterie :
Expos temporaires accessibles : jusqu’au dimanche 25 janvier 2026 (sauf la dernière de cet article, ouverte jusqu’au samedi 31 janvier 2026), du mardi au vendredi, de 09h à 17h, le samedi & le dimanche, de 10h à 18h. Prix d’entrée (incluant les collections permanentes) : 8€ (6€, pour les seniors & les membres d’un groupe / 4€, pour les étudiants, enseignants, PMR & demandeurs d’emploi / 1€25, pour les « Art. 27 » / 0€, pour les moins de 12 ans & les étudiants de groupes scolaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles). Prix d’entrée, tous les jours, pour les détenteurs du « muséePASSmuseum », &, pour tous, le dimanche 04 janvier 2026 : 0€, pour tous, pour les collections permanentes / 4€, pour l’ensemble des expositions temporaires (2€50, en prix réduit). Prix du Pass annuel : 15€. Contacts : 071/43.58.10. Site web : https://www.museephoto.be.

© « Le Fresnoy »
A Tourcoing, sur le site du « Studio national des Arts contemporains Le Fresnoy », nous ne pouvons que recommander, jusqu’au dimanche 04 janvier 2026, la visite de « Panorama 27. Simultanéité », une exposition nous présentant plus de 50 œuvres inédites – films, installations & performances, dans les domaines de la création numérique, de l’image & du son, réalisées par des étudiants & professeurs du « Fresnoy », le directeur du « Centre contemporain Wiels », commissaire de la présente expo, notre compatriote Dirk Snauwaert ayant écrit : « Agencées de manière thématique, les œuvres nous entraînent dans des espaces immersifs, des atmosphères sensibles, des récits où la perception sensorielle s’élargit. » Contacts : communication@lefresnoy.net & 00.33.3/20.28.38.00. Site web : https://www.lefresnoy.net/expositions/panorama-27/.
Yves Calbert.

