DEFORESTATION

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Déforestation : la proposition de loi de l’UE est un bon départ, mais n’est pas suffisante pour exclure la destruction de la nature
 
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© Andre Dib / WWF-Brazil
 
Ce 17 novembre, la Commission européenne a présenté une nouvelle loi pour écarter la déforestation du marché européen. L’expansion de l’agriculture qui alimente les marchés de l’Union européenne détruit les forêts et les précieux écosystèmes de notre planète, tout en dévastant les lieux de vie et les moyens de subsistance des humains. La proposition de la Commission européenne contient des éléments forts, mais ne répond pas à certains aspects importants pour dissocier la consommation des Européen·nes et la destruction de la nature.
 
La Commission européenne vient de présenter sa proposition de loi visant à minimiser l’impact de la consommation de l’Union européenne sur les forêts du monde. Le texte comprend des éléments forts, tels que l’exigence que tous les produits entrant sur le marché de l’UE soient exempts de toute déforestation et de dégradation des forêts en plus d’être légaux selon les normes du pays producteur. De plus, le texte stipule que tous les produits doivent être traçables jusqu’à leur lieu d’origine, c’est-à-dire le lieu où ils ont été produits ou récoltés. En outre, la proposition prévoit des mesures fortes pour faire appliquer la législation dans l’ensemble de l’UE, notamment par le biais d’amendes qui doivent être proportionnelles aux dommages environnementaux causés et à leur valeur, ainsi qu’un cadre plus clair pour les États membres sur les moyens d’effectuer des vérifications et des contrôles.
 
L’Europe doit arrêter la destruction de la nature causée par sa consommation
 
Selon une étude récente, l’expansion agricole est à l’origine de près de 90 % de la déforestation mondiale – un impact bien plus important qu’on ne le pensait auparavant. L’UE à elle seule est responsable de 16% de la déforestation tropicale liée au commerce international de matières premières telles que le soja, l’huile de palme et le bœuf. L’action de l’UE pour réduire son empreinte doit être à la hauteur du défi. « En tant que plus grand bloc commercial du monde, l’UE a la responsabilité d’arrêter la destruction de la nature causée par sa consommation. Avec cette proposition, la Commission européenne a jeté les bases pour que l’UE devienne la première région à assumer son rôle dans la déforestation mondiale », a réagi Ester Asin, directrice du Bureau de politique européenne du WWF. « Cette loi était une promesse centrale du Green Deal européen et l’un des éléments essentiels de la lutte contre le changement climatique et l’action pour la nature, il est donc essentiel que le niveau d’ambition soit encore renforcé par les autres institutions ».
 
Il faut inclure les autres écosystèmes, comme les prairies et les savanes
 
Cependant, la loi proposée contient des lacunes qui réduisent les chances de l’UE de maintenir la destruction de la nature hors du marché. En particulier, le WWF avait soutenu que d’autres écosystèmes au-delà des forêts, comme les prairies et les savanes, soient inclus dans le champ d’application de la loi dès le début, ce qui n’est actuellement pas le cas. La Commission propose d’évaluer s’il faut les inclure après la première révision de la loi, deux ans après son entrée en vigueur. C’est trop tard ! Ces écosystèmes disparaissent à un rythme alarmant. En un peu plus d’un an, plus de 5 000 km² de terres ont été détruits dans la savane brésilienne du Cerrado, le plus grand fournisseur de soja de l’UE. C’est près d’un quart de la superficie de la Wallonie.
 
Il n’y a pas de « faible risque »
 
De plus, les entreprises qui s’approvisionnent dans des pays « à faible risque » ne doivent pas procéder à une évaluation des risques et vérifier si les produits sont liés à la déforestation ou à la dégradation des forêts, ce qui risque de fausser le marché et de créer une concurrence déloyale, car les produits à haut risque peuvent également être expédiés via des pays à faible risque. Il faut appliquer les mêmes règles à toutes les entreprises : la catégorie « à faible risque » devrait être complètement supprimée. En outre, les mêmes règles devraient s’appliquer à toutes les entreprises afin d’assurer des règles du jeu équitables, sans aucune échappatoire possible pour les entreprises malhonnêtes.
 
Une mention des droits humains trop limitée
 
Le WWF estime également que la mention des droits humains dans la proposition est trop limitée, n’empêchant pas la mise sur le marché de l’UE de produits liés à des violations des droits des peuples autochtones et des communautés locales. Actuellement, les peuples autochtones et les communautés locales du monde entier sont expulsés de leurs terres et font face à une violence croissante au nom de l’agriculture. La législation devrait se référer aux normes internationales des droits humains.
 
Couvrir tous les produits pertinents
 
Enfin, pour que cette loi s’attaque efficacement à la déforestation mondiale et réduise l’empreinte de l’UE sur la nature, elle doit couvrir tous les produits et matières premières pertinents qui risquent d’être liés à la destruction de la nature : la proposition exclut le caoutchouc et le maïs sous prétexte qu’ils ne représentent qu’une petite fraction de la déforestation, même s’ils font partie des 10 principaux produits importés de l’UE liés à la destruction de la nature. En outre, l’élargissement de la gamme de produits pour les produits en bois, que le WWF demande depuis longtemps dans le cadre du Règlement bois de l’Union européenne (RBUE), fait défaut, comme par exemple, les livres, le charbon ou encore les instruments de musique.
 
Béatrice Wedeux, chargée de politique forêts au WWF-Belgique, conclut : « 1,2 million de citoyens ont demandé une loi qui éliminerait la déforestation de leurs assiettes une fois pour toutes. Avec cette proposition, la Commission montre qu’elle a écouté – mais seulement d’une oreille. Malheureusement, il existe encore d’importantes lacunes qui permettraient à des produits liés à la destruction de la nature ou aux violations des droits humains de se retrouver sur le marché de l’UE. Il appartient désormais au Parlement européen et aux États membres, y compris nos ministres belges, de mettre la barre plus haut pour rendre cette loi aussi forte qu’elle doit l’être pour vraiment s’attaquer à l’empreinte de la consommation de l’UE – et inspirer le monde à emboîter le pas ».