Economie / Bourse

L’Amérique lève le pied : pourquoi la croissance s’effondre au dernier trimestre

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L’économie américaine, longtemps portée par une dynamique robuste, semble désormais perdre de la vitesse. Après un deuxième trimestre impressionnant et un troisième trimestre qui devrait confirmer cette trajectoire solide, les signaux envoyés pour la fin de l’année sont nettement moins encourageants. Les analystes, les banques et même certaines branches régionales de la Réserve fédérale voient émerger un ralentissement significatif qui pourrait redéfinir le paysage économique de l’hiver. Et ce qui frappe le plus, c’est la simultanéité de ces signaux : croissance en repli, marché du travail sous tension et politique monétaire en pleine réorientation.

Le troisième trimestre reste encore entouré d’un certain mystère, faute de données complètes. La récente fermeture du gouvernement américain a perturbé la collecte et l’analyse des chiffres, rendant le rapport officiel du Bureau d’analyse économique (BEA) impossible à publier dans les délais habituels. Pourtant, les estimations privées convergent vers une croissance d’environ 3,5 %, légèrement inférieure aux 3,8 % enregistrés au deuxième trimestre, mais toujours largement au-dessus de la tendance observée en 2024. Cette performance semble désormais appartenir au passé, car tous les regards se tournent vers un quatrième trimestre bien plus fragile.

D’après Now-casting.com, la croissance américaine pourrait chuter à 1,9 % au dernier trimestre. Ce serait une rupture nette avec la trajectoire des mois précédents. Pour BMO Capital Markets, le scénario est encore plus sévère : la banque prévoit une croissance limitée à 0,4 %, un niveau à peine positif et qui, dans d’autres circonstances, serait interprété comme un signal d’alarme. ING partage cette inquiétude et anticipe un ralentissement marqué, conséquence des perturbations politiques, des incertitudes budgétaires et de la faiblesse de certains indicateurs avancés.

La Réserve fédérale de New York se montre un peu plus optimiste, mais sans renverser la tendance. Son modèle Nowcast indique une croissance de 1,7 %, ce qui, en soi, n’est pas catastrophique, mais représente malgré tout un coup de frein brutal après deux trimestres de forte expansion. Pour les économistes, le message est clair : le moteur de l’économie tourne toujours, mais il chauffe, s’essouffle, et les premières secousses apparaissent.

Ces projections ne viennent pas de nulle part. Depuis plusieurs semaines, les indicateurs économiques diffusent un même message : les fondations commencent à trembler. L’un des signaux les plus révélateurs vient du marché du travail. Selon les données d’ADP et de Revelio Labs, l’emploi privé aurait reculé en novembre. Une contraction brutale ? Pas encore. Mais un avertissement sérieux, car une baisse de l’emploi, même légère, dans un contexte où la création de postes avait été l’un des piliers de la résilience américaine, est un indicateur à surveiller de près. Le marché du travail, longtemps considéré comme “bouillant”, semble désormais se refroidir.

Alors que les chiffres de croissance inquiètent et que l’emploi donne des signes de faiblesse, la Réserve fédérale se retrouve une nouvelle fois au centre du jeu. Les marchés parient massivement sur une troisième baisse des taux d’intérêt cette année. Mais cette baisse pourrait être très différente de celles observées lors des cycles d’assouplissement traditionnels. Plusieurs analystes évoquent déjà une « réduction hawkish », une expression paradoxale qui traduit parfaitement la complexité du moment. Concrètement, la Fed pourrait réduire les taux mais accompagner cette décision d’un discours très prudent, voire ferme, indiquant que les prochaines baisses ne sont ni garanties ni imminentes.

Bill English, ancien responsable des affaires monétaires à la Fed et aujourd’hui professeur à Yale, résume la situation : « Le résultat le plus probable est une sorte d’abaissement hawkish où ils réduisent, mais la déclaration et la conférence de presse suggèrent qu’ils ont peut-être fini de réduire pour le moment. » Autrement dit, la Fed veut éviter d’envoyer un signal trop accommodant qui pourrait relancer l’inflation, tout en apportant un soutien minimal à une économie qui commence à faiblir.

L’annonce officielle de la décision monétaire, suivie de la conférence de presse du président de la Fed et de la publication des nouvelles projections économiques, pourrait jouer un rôle décisif pour la suite. Les investisseurs, déjà nerveux, espèrent y trouver une direction claire. Le marché a besoin d’un cap, d’un horizon, d’un message cohérent. Et la Fed sait que chaque mot, chaque nuance, peut avoir un impact direct sur les taux obligataires, sur le dollar et sur le climat économique général.

Ce quatrième trimestre ressemble donc à un moment charnière. Un point de bascule entre une période d’expansion solide et une transition incertaine. Les entreprises, les investisseurs et les consommateurs observent les signaux avec prudence. Reste une grande question : s’agit-il d’un simple ralentissement technique, d’un ajustement naturel après deux trimestres exceptionnellement forts, ou d’un vrai changement de cycle ?

Les prochaines semaines donneront une partie de la réponse. Mais une chose est sûre : la fin d’année américaine ne ressemble plus à celle que les analystes imaginaient il y a encore trois mois. Et le premier trimestre 2026 pourrait bien en porter les traces.