« La sculpture est un combat, une lutte contre la matière. Il faut jouer des poings » (Eugène Dodeigne).
« La sculpture, d’abord, c’est abstrait. Ce sont des rapports de formes, des passages de lumière » (Eugène Dodeigne).
*** « Eugène Dodeigne. Une Rétrospective II » :
Avec près de 200 œuvres, souvent inédites ou rarement montrées, issues des collections publiques et privées, cette première rétrospective, sur 1.000 M2, consacrée à l’œuvre d’Eugène Dodeigne (1923-2015) se propose de nous aider à (re)découvrir un acteur essentiel de la scène artistique française de la seconde moitié du XXè siècle.
Programmée, une première fois, en 2020, à « La Piscine, Musée d’Art et d’Industrie André Diligent », l’exposition n’avait pu ouvrir ses portes au public à cause de la pandémie. Remontée, exceptionnellement, cet automne, avec une présentation repensée pour l’occasion et de nouveaux prêts, cette rétrospective est l’occasion unique de découvrir un portrait renouvelé de l’artiste, en reconsidérant son œuvre dans toute sa richesse.
Dès notre entrée dans le jardin de « La Piscine » nous sommes accueillis par l’ « Homme des Neiges » (1960), une sculpture de haute taille, dont le visage est creusé de deux profonds sillons, matérialisant les yeux.
Eléments de mobilier créés par Olivier Dodeigne ⓒ Photo : « Pib »/« La Voix du Nord »
A l’intérieur, aux côtés de ses sculptures en pierres de Soignies (une Ville proche de son lieu de naissance, Rouvreux , en Province de Liège), sont présentés ses sculptures en bois, en bronze, en plâtre et en terre cuite, ainsi que ses dessins, éléments de mobilier et peintures, embrassant près de soixante ans de création, le tout présenté dans une attachante scénographie.
Une attachante scénographie ⓒ Photo : « Pib »/« La Voix du Nord »
Par ailleurs, dans les cabines de bain du 1er étage, nous découvrons une sélection de ses photographies, issues d’un don récent et exceptionnel offert à « La Piscine » par ses deux filles, Catherine & Claire.
Quoique né en Belgique, Eugène Dodeigne fut, rapidement, naturalisé français, alors que ses parents s’installaient dans le Nord. Né sous le signe de la pierre, il est l’héritier d’une famille de tailleurs de pierre, originaires de la région de Soignies. Dès l’âge de 13 ans, il apprenait le métier, auprès de son père, marbrier, manifestant des prédispositions, repérées dans deux « Ecoles des Beaux-Arts », à Tourcoing, d’abord, et à Paris, ensuite, ses études l’ayant mené au métier d’artiste.
‘L’Elan » (bois/1954) ⓒ « ADAGP »/Paris/2024
L’historien français de l’art, Serge Lemoine (°1943) écrit, dans la préface du Catalogue : « Eugène Dodeigne, il faut le dire d’emblée, est l’un des grands sculpteurs de la seconde moitié du XXè siècle. L’un des plus singuliers, aussi. L’un des plus classiques en même temps. Ajoutons : l’un des moins connus dans son pays. »
Concernant ses sculptures de visages, Serge Lemoine poursuit : « Le sujet de ses sculptures et qui s’impose, est celui de la figure humaine. Il la représente toujours debout, droite, immobile ou esquissant un mouvement, courbée, penchée mais dans le même plan, parfois accroupie. Quelques bustes, quelques torses et des compositions qui ont pour titres : ‘Couple’, ‘Force et Tendresse’, ‘Groupe de sept’. Son unique thème et sa seule source d’inspiration sont l’homme et la femme. Il s’agit d’un art humaniste et qui trouve aussi ses fondements dans la culture septentrionale, Eugène Dodeigne étant un artiste du Nord. »
Et d’ajouter : « Dans (son) art, le travail est une des composantes essentielles. Quand il se tourna vers le bronze, il décida de réaliser lui-même la fonte dans son atelier. Quant à ses esquisses en terre cuite, il en a effectué la cuisson dans son four, qu’il avait évidemment lui-même fabriqué. »
Le commissaire scientifique de l’exposition, l’historien français de l’art, Germain Hirselj, insiste : « Eugène Dodeigne est une figure artistique régionale extrêmement importante, l’une des pierres angulaires du ‘Groupe de Roubaix’, qui a marqué la sculpture des ‘Trente Glorieuses’. Cette exposition est un hommage mérité à cet artiste extrêmement complet et complexe, qui était très économe de ses mots, très peu grandiloquent, préférant, je crois, que ses oeuvres parlent pour lui. »
« Tête » (pierre de Soignes/vers 1966) ⓒ « ADAGP »/Paris/2024
Au sein du catalogue, nous lisons : « Eugène Dodeigne pratiqua le bronze jusqu’en 1974, date à laquelle il réalisa une dernière série de bustes, véritables variations sur la position des mains et leur force expressive … La pierre de Soignies avait toujours sa préférence, même s’il sculptait, également, le marbre de Carrare ou la pierre de Massangis … Chez lui, la création suivait le rythme des saisons, l’hiver étant consacré au dessin et à la peinture, le printemps à la taille de la pierre, ce travail, en taille directe, étant devenu son mode d’expression privilégié. »
« Mains levées » (vers 1966) ⓒ « ADAGP »/Paris/2024 ⓒ Ph. : A. Leprince