Rétrospective des Sculptures d’Eugène Dodeigne, à “La Piscine”, à Roubaix, jusqu’au 12 Janvier 2025

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« La sculpture est un combat, une lutte contre la matière. Il faut jouer des poings » (Eugène Dodeigne).

« La sculpture, d’abord, c’est abstrait. Ce sont des rapports de formes, des passages de lumière »  (Eugène Dodeigne).

*** « Eugène Dodeigne. Une Rétrospective II » :

Avec près de 200 œuvres, souvent inédites ou rarement montréesissues des collections publiques et privéescette première rétrospectivesur 1.000 M2consacrée à l’œuvre d’Eugène Dodeigne (1923-2015) se propose de nous aider à (re)découvrir un acteur essentiel de la scène artistique française de la seconde moitié du XXè siècle.

Programméeune première fois, en 2020, à « La Piscine, Musée d’Art et d’Industrie André Diligent »l’exposition n’avait pu ouvrir ses portes au public à cause de la pandémieRemontée, exceptionnellement, cet automneavec une présentation repensée pour l’occasion et de nouveaux prêtscette rétrospective est l’occasion unique de découvrir un portrait renouvelé de l’artiste, en reconsidérant son œuvre dans toute sa richesse.

Dès notre entrée dans le jardin de « La Piscine » nous sommes accueillis par l’ « Homme des  Neiges » (1960), une sculpture de haute taille, dont le visage est creusé de deux profonds sillons, matérialisant les yeux.

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Eléments de mobilier créés par Olivier Dodeigne ⓒ Photo : « Pib »/« La Voix du Nord »

A l’intérieur, aux côtés de ses sculptures en pierres de Soignies (une Ville proche de son lieu de naissance,  Rouvreux , en Province de Liège), sont présentés ses sculptures en bois, en  bronze, en plâtre et en terre cuite, ainsi que ses  dessinséléments de mobilier et peinturesembrassant près de soixante ans de créationle tout présenté dans une attachante scénographie.

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Une attachante scénographie ⓒ Photo : « Pib »/« La Voix du Nord »

Par ailleurs, dans les cabines de bain du 1er étage, nous découvrons une sélection de ses  photographiesissues d’un don récent et exceptionnel offert à « La Piscine » par ses deux filles, Catherine & Claire.

Quoique né en BelgiqueEugène Dodeigne fut, rapidement, naturalisé françaisalors que ses parents s’installaient dans le NordNé sous le signe de la pierreil est l’héritier d’une famille de tailleurs de pierreoriginaires de la région de SoigniesDès l’âge de 13 ans, il apprenait le métierauprès de son père, marbriermanifestant des prédispositionsrepérées dans deux « Ecoles des Beaux-Arts », à Tourcoingd’abord, et à Parisensuiteses études l’ayant mené au métier d’artiste.

Renaissance d’un sculpteur

‘L’Elan » (bois/1954) ⓒ « ADAGP »/Paris/2024

L’historien français de l’artSerge Lemoine (°1943) écrit, dans la préface du Catalogue « Eugène Dodeigne, il faut le dire d’emblée, est l’un des grands sculpteurs de la seconde moitié du XXè siècle. L’un des plus singuliers, aussi. L’un des plus classiques en même temps. Ajoutons : l’un des moins connus dans son pays. »

Concernant ses sculptures de visagesSerge Lemoine poursuit : « Le sujet de ses sculptures et qui s’impose, est celui de la figure humaine. Il la représente toujours debout, droite, immobile ou esquissant un mouvement, courbée, penchée mais dans le même plan, parfois accroupie. Quelques bustes, quelques torses et des compositions qui ont pour titres : ‘Couple’, ‘Force et Tendresse’‘Groupe de sept’. Son unique thème et sa seule source d’inspiration sont l’homme et la   femme. Il s’agit d’un art humaniste et qui trouve aussi ses fondements dans la culture septentrionale, Eugène Dodeigne étant un artiste du Nord. »

Et d’ajouter : « Dans (son) art, le travail est une des composantes essentielles. Quand il se tourna vers le bronze, il décida de réaliser lui-même la fonte dans son atelier. Quant à ses esquisses en terre cuite, il en a effectué la cuisson dans son four, qu’il avait évidemment lui-même fabriqué. »

Le commissaire scientifique de l’exposition, l’historien français de l’art, Germain Hirselj, insiste :  « Eugène Dodeigne est une figure artistique régionale extrêmement importante, l’une des pierres angulaires du ‘Groupe de Roubaix’, qui a marqué la sculpture des ‘Trente Glorieuses’. Cette exposition est un hommage mérité à cet artiste extrêmement complet et complexe, qui était très économe de ses mots, très peu grandiloquent, préférant, je crois, que ses oeuvres parlent pour lui. »

« Tête » (pierre de Soignes/vers 1966) ⓒ « ADAGP »/Paris/2024

Au sein du catalogue, nous lisons : « Eugène Dodeigne pratiqua le bronze jusqu’en 1974, date à laquelle il réalisa une dernière série de bustes, véritables variations sur la position des mains et leur force expressive … La pierre de Soignies avait toujours sa préférence, même s’il sculptait, également, le marbre de Carrare ou la pierre de Massangis … Chez lui, la création suivait le rythme des saisons, l’hiver étant consacré au dessin et à la peinture, le printemps à la taille de la pierre, ce travail, en taille directe, étant devenu son mode d’expression privilégié. »

« Mains levées » (vers 1966) ⓒ « ADAGP »/Paris/2024 ⓒ Ph. : A. Leprince

Au décès de cet artistela Maire de Lille, Martine Aubry, déclara : « Le Nord vient de perdre un de ses derniers géants. En voyant ces silhouettes à la fois massives et élégantes dressées place de la République, à Lille, face à la Citadelle, au ‘Palais des Beaux-Arts’, on ne peut que penser au regard bleu d’homme du Nord, à la poignée de main si solide et si chaleureuse, à la pudeur et à la discrétion de ce grand sculpteur que fut Eugène Dodeigne, qui sut transmettre son humanité à la pierre. » 

Assurément, une exposition à ne pas manquer pour toute personne intéressée par la sculpture, sachant que nous retrouvons quelques-unes de ses sculptures monumentalesspectres puissants  émergeant de la pierre bruteau « LaM » (« Musée d’Art Moderne »), à Villeneuve-d’Ascq, ainsi que devant le « Palais des Beaux-Arts » et dans le « Jardin Vauban »à Lille.

Catalogue (« Editions Invenit »/2024/430 p./29 x 24,5 cm/460 illustrations/cartonné) : 40€la 1ère édition, en 2021, ayant obtenu le Prix du « Festival international du Livre d’Art »à Perpignan.

*** « Les Expressions de la Matière. Visages d’une Collection » :

Nous ayant présenté sa 1ère exposition« Dodeigne. Rétrospective II »en sa qualité de conservatrice, depuis le dimanche 01 septembre, de « La Piscine »l’historienne de l’art franco-autrichienne Hélène Duret (°1991) – heureuse que la présente exposition « rende sa pleine grandeur à un artiste d’envergure internationale » – tint a nous proposer l’exposition « Les Expressions de la Matière. Visages d’une Collection », regroupant une sélection d’une donation, en 2023, de 61 oeuvres faite à son musée.

Outre quelques autres oeuvres d’Eugène Dodeigne, nous trouvons des dessins, peintures et/ou   sculptures d’autres artistes du « Groupe de Roubaix » : Pierre Hennebelle (1926-2013), Jean Roulland (1931-2021), Marie-Christine Remmery Steenwerk/1962), Marc Ronet (°Marc-en-Baroeul/1937) et Arthur Van Hecke (1924-2003).

Egalement, cette donation est riche d’un superbe ensemble de céramiques expressionnistes de Pierre Amourette (°Jersey/1947), qui viennent magnifiquement renforcer l’un des axes forts du projet du muséetrès engagé dans la présentation du travail contemporain de la terre.

Peut être une image de horloge comtoise

« Autel » (terre vernissée/vers 2014)  Photo : Alain Prince

*** « Mado Jolain. Céramiste. Côté Maison. Côté Jardin » :

Egalement, dans le domaine de la céramique, découvrons le travail de la céramiste française Mado Jolain (1921-2019), qui s’initia son art , au début des années ’40, à l’ « École nationale des Arts décoratifs », à Paris, fréquentant, parallèlement, les ateliers de dessin et de sculpture de l’ « Académie de la Grande Chaumière », dans le quartier Montparnasseoù elle rencontra son futur mari, le céramiste, décorateur d’intérieur & peintre français René Legrand (1923-1996).

Sa production reflétait, alors, le goût de l’époque pour l’imagerie populaire, ces créations étant régulièrement présentées à Paris, au « Salon de l’Imagerie » et au « Salon des Artistes Décorateurs ».

Vases : La céramique de Mado Jolain à la Piscine

Céramiques de Mado Jolain © « La Piscine »

En 1955, elle exposa dans la renommée « Galerie La Demeure », qui participa à la renaissance de la tapisserie contemporaine tout en introduisant des objets en céramiqueAinsi se révéla la vraie nature de son travaill’élaboration et la construction de l’objet l’intéressant davantage que le décor, qui va désormais tendre vers l’abstraction.

À la fin des années 1950, Mado Jolain s’installe avec sa famille sur les bords de la Marneà  Champignyquittant alors le monde de la maison pour celui des jardins, créant des “capteurs de lumière” qui enrichissent le monde végétal. Ce sont, d’abord, des  jardinières  et des cache-pots, enrobés d’un émail monochrome jaune ou vert anisépuis des engrenages et des fleurs.  Les formes s’épurent, gagnent en force, les stries et perforations devenant les seuls décors  s’articulant autour des pleins et des vides, pour l’accroche de la lumière.

Vint, en 1964, un voyage au Japon, où Mado Jolain visita l’atelier du céramiste japonais Shōji Hamada (1884-1978) et un autre au Royaume-Unisur les traces de Bernard Leach (1887-1979).  Malgré ces visites aux Maîtres d’après guerre de la céramique, Mado Jolain restera inspirée principalement par les recherches des grands architectes comme Alvar Aalto (1898-1976), Le Corbusier (Charles-Édouard Jeanneret-Gris/1887-1965) et Jean Prouvé (1901-1984).

Lisons ce qu’a écrit Karine Lacquemant, conservatrice en charge des arts appliqués : « Mado Jolain vibre de son humilité mais aussi de sa rigueur et de son exigence ».

« Pichet à Poignée » ⓒ « La Piscine »

A noter que son « Pichet à Poignée » (1955) – qui fait mouche avec son habillage moucheté – fut offert, récemment, par sa famille à « La Piscine ».

Catalogue (« Snoeck Publishers ») : 20€.

*** « Tailleurs de Volumes », jusqu’au dimanche 16 février 2025 :

Nous éloignant des « tailleurs de pierre », tel Eugène Dodeigneà l’étage de « La Piscine »nous découvrons des créations de « Tailleurs de Volumes »le dictionnaire « Larousse », de 2024, nous donnant cette définition de « Tailleur » « artisan qui fait des vêtements sur mesure. »

En découvrant ces créations, nous nous rappelons que Roubaix est le principal centre textile du Nordcette exposition nous présentant un florilège de tenues issues des collections de « La Piscine ».

Clôturant notre visite de ces expositions d’automne, soulignons que de nombreuses similitudes peuvent être relevées entre le sculpteur et le couturier. Outillés d’un ciseau à graver et d’un marteau  ou bien d’une aiguille à coudre et d’épinglestous deux ont la capacité de développer dans l’espace leur matière première afin de créer silhouettes, corps et réalités nouvelles.

« Que ce soit à travers certaines de ses techniques, dont la plus évidente est le moulage, ou bien par une exploration des jeux de textures, de palettes et de volumes, la mode s’illustre comme art majeur appliqué au vivant«  écrit Amélie Boronla commissaire scientifique de cette dernière exposition, en charge de la « Collection Mode » de « La Piscine ».

Ouverture des expositions d’automne : jusqu’au dimanche 12 janvier 2025 (excepté « Tailleurs de Volumes »jusqu’au dimanche 16 février 2025), du mardi au jeudi, de 11h à 18h, le vendredi, de 11h à 20h, les samedi et dimanche, de 13h à 18h. Prix d’entrée : 11€ (9€, en tarif réduit). Transports en commun : à 300m de la gare ferroviaire Jean Lebas, ainsi que des stations de métro « Gare Jean     Lebas » & « Grand’ Place ». Contacts lapiscine.musee@ville-roubaix.fr &  00.33.3/20.69.23.60Site web : http://www.roubaix-lapiscine.com.

Quatre visites guidées de l’exposition « Eugène Dodeigne. Une Rétrospective II » sont programmées les samedis 04 11 janvier 2025, à 15h et 16h15. Réservations sur place : dès 13h, au plus tard 1/2 heure avant la visite guidée.

Du samedi 01 mars jusqu’au dimanche 01 juin 2025, les expositions du printemps nous proposeront « Rodin/ Bourdelle. Corps à Corps » (un face à face captivant), « Elsa Sahal : Pool Dance » (dialogue avec les oeuvres de Rodin, avec des céramiques audacieuses) et « Sens dessus dessous » (l’art du déshabillé dans les collections mode de « La Piscine »).

En outre, six oeuvres de Camille Claudel seront prêtées à « La Piscine », pendant les travaux de rénovation du « Musée Camille Claudel »à Nogent-sur-SeineUne nouvelle belle opportunité pour nous rendre à Roubaix, au printemps.

Soulignons la possibilité de déjeuner ou de gouter à « La Piscine »dans la brasserie-salon de thé  « Méert », maison fondée en 1677. Ouverture : du mardi au dimanche, de 12h à 18h.  Réservations  00.33.3/20.01.84.21.

A découvrir dans le Nord, pour compléter votre journée :

  • « Le Fresnoy »à Tourcoing : « Panorama 26 » jusqu’au dimanche 05 janvier 2025.
  • « MUba Eugène Leroy »à Tourcoing : « Rêver debout », jusqu’au lundi 24 février 2025.
  • « Palais des Beaux-Arts », à Lille « Expérience Raphaël »jusqu’au lundi 17 février 2025.
  • « Musée Henri Matisse »à Cateau-Cambrésis « Henri Matisse, comment j’ai fait mes Livres », jusqu’au dimanche 13 avril 2025, … ce superbe musée ayant été réouvert le 22 novembreaprès 18 mois de rénovation.

Yves Calbert.